Vous venez d’être choisi/e pour mener à bien un projet. Votre responsable hiérarchique vous a reçu/e dans son bureau et vous a vanté tous les bénéfices que vous pourrez tirer de ce projet. Il vous a dit à quel point vous êtes « le meilleur/la meilleure », à quel point ce projet tombe à pic pour votre carrière, votre évolution et votre visibilité au sein de l’entreprise. En prenant une responsabilité vitale pour l’entreprise, une perspective sur laquelle la Direction Générale projette beaucoup d’espoir, vous participerez à un tournant essentiel. Il s’agit d’une opportunité qui ne se représentera plus ! Bref, vous avez quelques heures pour réfléchir…
Mais vous savez d’avance que vous ne refuserez pas, et votre responsable hiérarchique le sait aussi.
Ces quelques heures vous font repenser à ce qui vous a été dit et, en répétant ces phrases, vous vous dites que, oui, c’est le moment. Oui, vous avez le bon profil pour ce projet, une expérience et une compétence techniques et de bonnes capacités humaines. Oui, vous n’êtes ni trop jeune ni trop âgé/e. Oui, ce serait mieux que ce soit vous plutôt qu’untel ou unetelle. Oui, vous avez du potentiel qui ne demande qu’à fleurir.
Mais, en même temps, vous connaissez bien votre job actuel, vous connaissez bien tous les savoirs et les astuces nécessaires pour réussir, vous vous plaisez dans votre fonction et vous avez encore tant de choses intéressantes à faire, tant de choses à voir et à apprendre ! Vos interlocuteurs et prestataires commencent seulement à bien vous connaître et vous n’avez pas encore recueilli tous les fruits de ce que vous avez semé.
Il vous faut prendre une décision
Peut-être êtes-vous dans le cas de ceux à qui on propose un projet mais qui n’ont pas vraiment le choix, car vous pensez que votre responsable hiérarchique ne comprendrait pas pourquoi vous refusez. Peut-être pensez-vous que votre refus reviendrait à se « griller » aux yeux de la direction… et à vos propres yeux. Peut-être même pensez-vous être obligé/e d’accepter sous peine d’être exclu/e d’une autre éventuelle opportunité. Même dans tous ces cas, la décision est à prendre par vous-même car la responsabilité de la conduite d’un projet ne se fait pas sans implication personnelle.
Vous pressentez bien qu’il faudra travailler avec des collègues, dont certains seront enthousiastes mais dont la plupart considéreront votre sollicitation comme une charge supplémentaire. Vous savez déjà que de longues heures de travail vous attendent. Vous savez déjà qu’il y aura des retards, des décisions qui tarderont, des imprévus, peut-être même des catastrophes. Vous devinez qu’il y aura des moments de doute qui vous mineront, que les membres de l’équipe projet traverseront des périodes de découragement, de déception, de démotivation.
Et pourtant, vous avez dit oui. Vous avez franchi ce que les pilotes appellent le PNR, le point de non-retour. Et vous voilà devant la page blanche, première page d’une longue histoire à écrire. Ou vous voilà devant le bloc de marbre brut qui verra surgir la statue. Tout chef de projet ressent à ce moment-là à la fois de l’enthousiasme, de l’excitation et de la peur. Une détermination à toute épreuve mais aussi une angoisse devant l’ampleur de la tâche.
Et maintenant, que faire ?
Qu’est-ce qui pourra m’aider à surmonter les épreuves à venir ? Qu’est-ce qui me donnera la force d’y croire jusqu’au bout ? Comment avancer dans l’incertitude ? Saurai-je prendre les bonnes décisions au bon moment ?
Renforcer sa solidité intérieure
Prendre le temps d’observer au-dedans et au-dehors de soi.
Il s’agit, pour commencer, de bien comprendre ce qui nous motive. Qu’est-ce qui, dans ce projet, me semble primordial ? Quels sont les éléments sur lesquels je ne transigerai jamais ? Qu’est-ce qui me met dans une disposition d’esprit positive, agréable ? Qu’est-ce qui, même quand je serai fatigué/e, découragé/e, déçu/e, me donnera de la vitalité, de la force ? Qu’est-ce qui me remplit de joie ? Qu’est-ce que j’aime profondément en moi et que je relie à ce projet ?
Un sentiment, une idée, un jugement, qu’importe le nom que je lui donne, il y a quelque chose qui est suffisamment fort pour me nourrir. Quelque chose qui n’est pas une illusion ou qui n’est pas éphémère. Par exemple, si j’aime la créativité, l’innovation, ce projet me les apporte-t-il ? Comment pourrai-je les trouver quand nous serons, pour la majorité du temps, dans la réalisation, la concrétisation ? Si ce sont les honneurs et le salaire en plus que je recherche, seront-ils suffisants à maintenir ma motivation à travers les difficultés ?
Je me projette dans l’action et, ce faisant, je distingue les interactions entre les acteurs du projet et moi, je discerne ce qui m’apporte équilibre, joie et sérénité.
Sécuriser
Selon la célèbre pyramide des motivations de Maslow, une fois que les besoins vitaux sont satisfaits, apparaissent les besoins de sécurité.
Tout projet, par ses aspects novateurs, incertains, uniques, présente des risques et met en insécurité.
C’est pourquoi il est important de préparer minutieusement son « voyage » : définir les ressources, identifier les compétences nécessaires, évaluer les risques, établir les étapes, les jalons, imaginer plusieurs scénarios, faire valider la pertinence de chacun de ces scénarios, etc.
Sécuriser un parcours n’enlève rien à l’adrénaline de l’aventure !
Sécuriser, c’est également formaliser par écrit l’état des lieux, l’état des questions en suspens et ses intentions, établir un solide cahier des charges.
Bien s’entourer
Ce projet n’est pas mon projet. C’est le projet de « mon client » (sponsor, direction,…) pour la finalité et c’est le projet de « mon équipe » (chef de projet et équipiers) pour sa mise en œuvre.
Même si j’en suis l’acteur principal, je sais prendre du recul, je sais alerter s’il y a une dérive, je sais demander de l’aide et je sais aussi remettre en question des choix qui ont pu être judicieux dans un contexte donné mais qui ne le sont plus quelque temps plus tard.
L’équipe-projet va m’apporter (et apporter à chacun de ses membres) des méthodes nouvelles, des outils, jusqu’alors inconnus, des « visions du monde » qui permettront de rester suffisamment vigilants tout au long du projet.
Bien s’entourer, c’est aussi demander leur avis à d’anciens chefs de projet pour bénéficier de leur expérience, c’est préserver l’amitié de ceux qui me connaissent bien et sauront rester l’oreille attentive et bienveillante, c’est également rendre compte régulièrement à la personne chargée de me superviser, c’est obtenir du soutien et des encouragements.
Développer certaines qualités
Comme le rencontrent généralement ceux qui ont des fonctions transversales ou de support, le chef de projet doit acquérir légitimité et autorité « par la force du poignet », c’est-à-dire que ses compétences ou ses réussites passées ne suffisent pas à lui assurer une coopération spontanée. Il lui faut gagner la confiance de ses interlocuteurs par une forte implication, une grande conviction et une certaine puissance de travail.
Pour maintenir ce haut niveau d’exigence, il gagnera à développer des qualités personnelles telles que :
- La lucidité lui permettra de ne pas surestimer ou sous-estimer les situations, les difficultés, les ressources, etc.
- La diplomatie dont il aura besoin pour faire des divers responsables hiérarchiques des alliés
- Le courage et la détermination seront ses meilleurs atouts aux moments de découragement ou quand l’incertitude le fera douter de ses équipiers ou de ses propres forces.
- Le leadership et la force de conviction sans lesquels ses interlocuteurs ne se mobiliseront pas
- Et enfin l’endurance pour tenir dans la durée, le projet ressemblant davantage à un marathon qu’à une course de sprint.
Chef d’orchestre, artiste, promoteur, ingénieur, psychologue,… le chef de projet est un peu de tout cela. « Toujours seul, mais jamais sans les autres », il porte sur ses épaules une œuvre collective, il est le Steven Spielberg du monde de l’entreprise.