Gamification : peut-on vraiment apprendre sans effort ?
La gamification ou ludification semble peu à peu être devenue le principe pédagogique fondateur de la plupart des dispositifs d’apprentissage, et en particulier de ceux en ligne. A fonder la pédagogie sur le plaisir, on entretient l'idée non seulement qu'on peut toujours s'amuser en apprenant, mais qu'il faut nécessairement s'amuser pour apprendre. Dans quelle mesure est-ce vrai ou exagéré ?
L’effort est au cœur du processus d’apprentissage
L’apprentissage suppose un changement de représentations plus ou moins profonds, une acquisition de connaissances, une incursion dans des zones d’inconfort lors de la mise en œuvre opérationnelle. Fondamentalement, apprendre demande toujours un effort sur soi.
Mais… la notion d’effort se déplace
La nature de l’effort demandé aux apprenants a changé ! Il ne s’agit plus d’apprendre par cœur des données brutes, mais d’être capable de les mobiliser dans leur contextualisation professionnelle.
Il convient aussi de nuancer cette opposition entre effort et jeu
La mécanique du jeu repose souvent elle-même sur l’effort, la frustration, et sur un principe de “douleur exquise”. Ainsi refaire 25 fois une séquence de jeu pour parvenir à passer le niveau supérieur n’a rien de plaisant en soi : c’est frustrant, lassant, agaçant… Mais le plaisir et la satisfaction viennent précisément de cette difficulté surmontée.
L’efficacité de la gamification dépend de la manière dont elle est menée.
Celle-ci ne répond pas aux mêmes critères d’efficacité en fonction du terrain de jeu (présentiel, serious game,…) et des joueurs (les apprenants) :
La gamification du présentiel :
Le jeu est un outil d’apprentissage incontournable en présentiel en particulier pour dynamiser un groupe, donner du rythme et impliquer davantage les participants. Il est particulièrement pertinent d’utiliser des énigmes collectives pour développer l’esprit coopératif, des puzzles pour assimiler des concepts ou des procédures, des jeux de rôles pour mettre en situation…
Quels que soient les outils ou méthodes ludiques utilisés, il est utile d’appliquer la règle des 20-80, afin que les apprenants ne se perdent pas dans le jeu : 20% du temps maximum doit être réservé au jeu et 80% de la séquence pédagogique consacré à l’exploitation de ce qui s’est passé et aux apports complémentaires du formateur.
Les serious-games : intégrer les mécanismes d’apprentissage dans le jeu.
La réussite d’un serious game repose sur plusieurs éléments. Bien sûr il faut d’abord respecter les critères de réussite des jeux vidéos dont il s’inspire : une histoire attractive, une réalisation impeccable , une interface de jeu fluide, un game play accessible mais pas trop facile. Mais pour qu’il soit formateur, le serious game doit aussi respecter certains critères de réussite d’un dispositif de formation : un scénario évolutif, qui transpose les complexités de la situation professionnelle de l’apprenant, un découpage de l’histoire ou des mini-jeux associés correspondant à une structuration pédagogique de la problématique de formation, et enfin une formalisation régulière de la progression.
Capture d'écran du Serious-Game CEGOS pour l'OPCA Transports
Les mécanismes de gratification personnelle et d’émulation au sein d’un groupe
Points, badges, médailles… les mécanismes de gratification personnelle de type Foursquare sont intéressants pour encourager l’effort de l’apprenant et montrer sa progression personnelle tout au long d’un dispositif d’apprentissage- que ce soit en présentiel ou à distance.
Les conditions de réussite de ces mécanismes reposent plus que jamais sur la convivialité et la bienveillance : pouvoir se comparer, se jauger aux autres (parfois même défier un autre apprenant) doit se faire dans la bonne humeur, et l’objectif d’apprentissage recherché doit régulièrement être rappelé afin d’éviter de faire entrer les apprenants dans une compétition acharnée et finalement stérile.
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