Entreprise : quel modèle décisionnel en période de crise ?
A l’heure où notre modèle économique dans son ensemble est ébranlé (crise grecque, poids de la dette, fragilité de l’Euro face aux logiques spéculatives), et où la sortie de crise tarde à se faire sentir, interrogeons-nous sur ce qui fonde la prise de décision dans nos entreprises, en particulier en période difficile ?
Quelle stratégie dominante ?
Au risque d’être un peu caricatural, distinguons néanmoins deux grandes familles de modèles stratégiques :
- La famille des « forces du marché » tout d’abord, popularisée par Porter : il s’agit de s’adapter aux évolutions du marché considérées comme des données intangibles et de répondre à la baisse de la compétitivité par des actions privilégiant la maîtrise des coûts à travers l’augmentation de la productivité.
- La famille « basée sur les ressources » qui, elle, prône la valorisation des actifs et atouts spécifiques de l’entreprise et qui propose d’exploiter les « ressources dynamiques » de l’entreprise pour influer sur la réalité du marché (Penrose, Chandler, Rumelt).
Certes les stratégies concrètes ne sont pas aussi binaires, elles tentent de combiner ces deux courants.
Pour autant, force est de constater que la logique dominante relève aujourd’hui pour l’essentiel du courant « market power ». Dans cette logique, le personnel de l’entreprise a vite fait de se trouver relégué au rang de simple moyen de production banalisé, qui ne procure aucun avantage compétitif. Il devient au contraire source de renchérissement des coûts de revient et donc de la moindre compétitivité. Il convient alors de restructurer (reengineering), de réduire (downsizing) ou encore de délocaliser.
Bien sûr le propos mérite d’être nuancé pour certaines entreprises (PME familiales, par exemple).
Comment expliquer une telle logique ?
Plusieurs causes possibles :
- Cause rationnelle : contraintes du marché trop fortes ou organisation trop dégradée.
- Cause culturelle : les grandes firmes tendent à privilégier des procédures éprouvées, voire routinières qui conduisent à appliquer les solutions utilisées ailleurs et à reproduire des scénarii intangibles.
- Cause « urgentielle » : dans un contexte de forte pression actionnariale guidée par une vue court-termiste, il peut être incongru, voire suicidaire pour un Dirigeant d’étudier sérieusement et d’expérimenter une stratégie alternative qui inverserait le raisonnement et considérerait l’emploi principalement comme une ressource et chercherait à le maintenir en choisissant une politique de développement.
A qui servent les stratégies dominantes ?
La question qui se pose alors est : à qui servent les stratégies dominantes ? En priorité aux « Stockholders » (détenteurs d’enjeux) ou « Stakeholders » (détenteurs d’actions). Face aux stratégies privilégiant le capital financier investi, les autres détenteurs d’enjeux, aux premiers rangs desquels les salariés, pèsent peu et sont considérés davantage comme une contrainte sociale plutôt que comme de véritables partenaires.
Il ne s’agit pas de rentrer dans un débat doctrinal ou idéologique. Bien sûr que la règle du jeu impose aux firmes en compétition un retour sur investissement. En revanche interrogeons-nous sur le coût global de ces stratégies lorsqu’elles sont quasi systématiques : coût sur le système global (société, territoire, bassin d’emploi) et coût en terme de Capital Confiance Durable, pour le couple Entreprise / Personnel, mais aussi pour le couple Entreprise / Société.