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Comment concevoir des modules e-learning qui facilitent les apprentissages ? Telle est la question auquel répond l'article "Six principles of Effective e-learning. What works and why" (Six principes du e-learning efficace. Ce qui marche et pourquoi), publié dans le recueil d'articles de "The eLearning Guilds" (Learning solutions. Top articles from the eMagazine's first five years. Pfeiffer.2008).

L'intérêt de l'article est qu'il étaye les "principes du e-learning efficace" par les éléments factuels de la recherche en science cognitive conduite par le Professeur Richard E. Mayer, de l'Université de Santa Barbara. Les "6 principes" qu'il pose s'appuient donc sur des expérimentations contrôlées.

Il n'y a pas de "miracle technologique" pour apprendre

En préalable, l'auteur de l'article, Ruth Clark, rappelle qu'en dépit de prévisions optimistes, la réalité n'a jamais atteint les espoirs suscités par les différentes innovations technologiques en matière d'apprentissage, du cinéma à internet. La recherche, lorsqu'elle a comparé l'apprentissage en présentiel avec l'apprentissage par le truchement d'une technologie, comme internet par exemple, n'a jamais pu démontrer un avantage significatif de la technologie. Ce qui a mené à l'abandon d'une approche centrée sur la technologie en faveur d'approches centrées sur l'apprenant.

C'est la conception de la formation qui fait la différence.

A ce titre, il faut distinguer trois éléments : les techniques pédagogiques (les analogies, les exemples, les exercices, les simulations...), le ou les  vecteur(s) de la pédagogie (l'ordinateur, le livre, le formateur...), et enfin les éléments de la communication avec l'apprenant (images, textes, graphiques, audios, videos...).

L'article s'appuie sur la recherche menée par Richard Mayer et son équipe. L'objet de la recherche était de savoir comment utiliser l'audio, le texte, et les graphiques pour optimiser l'apprentissage en mode multimédia. Les 6 principes de la conception de modules e-learning efficaces sont issus de cette recherche.

Principe n°1 : illustrer le texte améliore l'apprentissage

Il peut s'agir de graphiques, de photographies, d'animations, de vidéos. Mais pour être efficaces, ils doivent être en rapport avec l'objet d'apprentissage. Les illustrations ajoutées "pour le fun", ou pour créer un "effet scénique", non seulement n'aident pas à apprendre, mais peuvent gêner l'apprentissage.
L'expérimentation de Mayer a montré une amélioration de 89% de l'apprentissage lorsque le texte était illustré, par rapport avec un apprentissage ayant le texte pour seul support.

Du point de vue cognitif, cela s'explique par le "double encodage" qui se produit alors - un code verbal et un code visuel: deux possibilités d'ancrer l'information ainsi encodée en mémoire long terme.

L'important, pour le concepteur, est donc de bien sélectionner l'illustration qui est cohérente avec le texte et l'objectif pédagogique.

Principe n°2 : placer le texte à proximité du graphique améliore l'apprentissage

C'est le principe de "contiguïté" : l'apprentissage est renforcé si le texte et l'illustration sont côte à cote à l'écran. Cette solution est préférable aux solutions qui placent le texte "au dessus" ou "au dessous" de l'illustration : l'étude de Mayer montre une acquisition renforcée à 68%.
Du point de vue cognitif, cela s'explique par le rôle de la mémoire à court terme dans l'apprentissage. La "place" en mémoire court terme est très limitée. Lorsque l'illustration et le texte qui lui correspond sont séparés l'un de l'autre, l'apprenant doit faire une grosse "dépense cognitive" pour les intégrer. Si les supports sont contigus, l'intégration est faite pour l'apprenant.

La conséquence pratique est donc de mettre à l'écran des illustrations de taille réduite, avec le texte à coté.

Principe n°3 : expliquer les illustrations avec un message audio améliore l'apprentissage

Cette amélioration se vérifie particulièrement pour les visuels complexes, relatifs à des contenus qui ne sont pas familiers pour l'apprenant. Mayer a comparé des versions e-learning dans laquelle l'animation était expliquée au moyen d'un texte, avec d'autres dans lesquelles l'animation étaient expliquées oralement. Dans toutes les comparaisons, les versions "racontées" ont démontré une efficacité de +80%.

Du point de vue cognitif, cela s'explique par le fait que notre mémoire de travail a deux aires de "sous stockage": l'une pour l'information visuelle et l'autre pour l'information phonétique. Une manière d'étendre la capacité de la mémoire de travail est d'utiliser ces deux aires. D'où la recommandation d'utiliser l'audio lorsque la "surchage cognitive" est à craindre. Plus facile de mémoriser un process en 6 étapes si l'animation qui l'illustre est supportée par un audio que s'il faut lire un texte en même temps que l'animation se déroule...Cela ne signifie pas qu'il ne faut pas utiliser le texte. Il sera particulièrement utile lorsque l'information doit rester à disposition de l'apprenant pendant une longue période (pour un exercice par exemple).

Principe n°4 : expliquer une illustration avec un audio et un texte peut nuire à l'apprentissage

Dans certains modules, on trouve simultanément  un texte et un audio qui lit le texte. Les recherches de Mayer ont démontré que cela était moins efficace qu'une illustration expliquée par l'audio seul (+79% d'efficacité dans ce cas). Le seul cas ou la simultanéité texte - audio est efficace, c'est quand il n'y a pas d'illustration.

Du point de vue cognitif, cela s'explique de nouveau par la "surcharge" de la mémoire de travail. Conséquence pratique : éviter de lire le texte lorsqu'il y a une illustration à l'écran.

Principe n°5 : utiliser des illustrations, textes et sons inutiles nuit à l'apprentissage

Certains modules, note malicieusement Ruth Clark, utilisent "l'approche Las Vegas": brillance, jeux, petites histoires décalées, musique de fonds, personnages célèbres... Mayer a démontré l'effet nuisible aux apprentissages de ces ajouts, lorsqu'ils sont sans cohérence avec l'objectif pédagogique. Et ceci qu'ils soient textuels, vidéos, ou sonores (musiques de fonds, bruits environnementaux...).

Le gain d'apprentissage des apprenants du module "dépouillé" de ces ajouts inutiles est de 105%. De même, l'utilisation d'un trop grand nombre d'explications orales peut nuire à l'apprentissage.

Les détails "superflus" placés au début du module sont plus dommageables que ceux qui sont placés à la fin, parce qu'ils activent des réminiscences inappropriées au regard de l'apprentissage visé.

Du point de vue cognitif, ces ajouts inutiles distraient l'apprenant des consignes importantes, interrompent son processus mental de construction d'un modèle cohérent à partir des informations reçues.

L'auteure en tire le principe de cohérence : 'le moins est le mieux" lorsque l'apprentissage est le but premier. Il convient d'éviter ce qui n'est pas essentiel, et de produire des textes concis. Ce n'est pas l'émotion de l'apprenant qui sera recherchée, mais avant tout la facilité de sa compréhension et de sa mémorisation.

6ème principe : utiliser le ton de la conversation et des agents pédagogiques améliore l'apprentissage

Les recherches de Byron Reeves et de Clifford Nass (The media equation) montrent que lorsque les personnes "communiquent" avec leur ordinateur, elles utilisent les conventions qui s'appliquent dans la communication interpersonnelle. Par exemple, si des personnes évaluent un module e-learning sur le même ordinateur que celui sur lequel elles ont suivi ce module, elles donnent de meilleures "notes" que si elles réalisent cette évaluation sur un autre ordinateur: comme si elles évitaient de donner une évaluation négative directement à la source...

Les conventions des interactions sociales sont profondément intégrées, et s'étendent inconsciemment aux interactions homme - ordinateur. L'apprentissage est meilleur lorsque l'apprenant est "engagé socialement", par exemple si le module e-learning utilise le ton de la conversation (sans qu'il soit familier) ou si un "agent informel d'apprentissage" apparaît. A la suite des travaux de Reeves et Nass, l'étude de Mayer montre que le module qui engage l'apprenant directement est plus efficace que celui qui utilise un ton impersonnel et formel.

L'addition d'un "agent d'apprentissage"(learning agent)- un personnage qui formule les consignes, et procure une aide- améliore également l'apprentissage. Et ceci, quelque soit le degré de réalisme de son apparence...

Adibou  Learning_agents_demo_character  Learning agent pas vrai

L'apprentissage est renforcé lorsque "l'agent d'apprentissage" se présente oralement, et sur le ton de la conversation. Il n'a même pas à être visible, sa voix suffit à améliorer l'apprentissage.

Du point de vue cognitif, cela s'explique par le fait qu'apprendre résulte d'un engagement de l'apprenant, à propos du contenu de la formation. Le ton conversationnel, l'agent, stimulent des conventions sociales très ancrées qui amènent à un plus grand engagement. Lorsque l'on converse avec quelqu'un, il attend de nous une écoute et des réponses sensées. Même si "l'agent d'apprentissage" est inanimé, nous adoptons inconsciemment l'attitude que nous aurions eu face à une personne physique: nous écoutons mieux afin de produire une réponse valable.

Du point de vue pratique, cela signifie que le concepteur doit donner à "l'agent d'apprentissage" un véritable rôle. Non pas seulement apparaître à l'écran, mais aussi formuler les consignes, aider, reformuler les points clés...

Au final, l'apprentissage en module "à distance" s'appuie sur des processus cognitifs de même nature que l'apprentissage en mode présentiel. Au concepteur de mettre en avant de ses préoccupations les questions rémanentes de la pédagogie : que vais je donner à voir, à entendre, que vais je donner à vivre, pour qu'ils puissent apprendre avec facilité ?

Ecrit par

Mathilde Bourdat

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