Dans un article du 8 octobre 2008, mis en lien par AEF, Jean-Marie Luttringer et Jean-Pierre Willems dénoncent la « suspicion illégitime » qui pèse sur les dispensateurs de formation. D’articles de presse en rapports, en effet, les mots ne sont jamais trop forts pour dénoncer le « gaspillage des 26 milliards » - alors même que cette somme amalgame pêle mêle les fonds destinés à la formation des fonctionnaires de l’Etat, les fonds destinés à la formation des apprentis, les sommes consacrées par les Régions aux stagiaires de la formation professionnelle et les 10,4 milliards consacrées par les entreprises à la formation de leurs salariés, dont la moitié environ transite par les OPCA.
« Pourquoi », s’interrogent Luttringer et Willems, « les entreprises qui achètent pour les besoins de leur production une grande variété de service ne sauraient elles pas acheter de la formation pour leurs salariés » ? « Pourquoi les OPCA financeraient ils sans discernement et sous l’emprise des offreurs des contrats de professionnalisation, des DIF, des périodes de professionnalisation pour les entreprises cotisantes, à leur demande expresse ? ».
Dans la suite de leur développement, les deux auteurs montrent que cette « suspicion pesant sur les organismes de formation » est d’autant plus illégitime que l’activité de formation, au contraire d’autres activités de prestations de service, est encadrée par la loi :
- Règles de création, de financement, de gestion des dispensateurs de formation,
- Protection des stagiaires,
- Contrôles administratifs et juridictionnels des organismes de formation (CT art L 6361 et suivants). Les organismes de formation qui ne respectent pas ces obligations encourent de lourdes sanctions, administratives, financières, voire pénales.
Certes, ces contrôles ne portent que « sur les obligations administratives des organismes de formation, et sur l’ensemble des moyens financiers, techniques et pédagogiques mis en œuvre ». Ils ne portent pas sur la qualité pédagogique des actions : la détermination du programme, le choix des méthodes et de l’intervenant, est de la seule responsabilité des cocontractants.
Fort heureusement ! ajouterai je… C'est bien à l'entreprise et à son prestataire qu'il appartient de qualifier la demande et de décider de la solution la mieux adaptée.
En matière de formation, au moins la moitié de la qualité de la prestation se fabrique en amont de la réalisation de la prestation elle-même.
Luttringer et Willems indiquent ainsi l’importance du « chantier de la demande » : l’enjeu d’une réforme de la formation est de mettre à disposition des personnes un ensemble de dispositifs d’orientation et de formation propres à aboutir à des parcours personnalisés, adaptés à chaque trajectoire de individuelle. Entretien professionnel, entretien « de seconde partie de carrière », DIF… sont ainsi mobilisables pour favoriser l’émergence de la demande de chacun. Et les auteurs d’évoquer l’enjeu de « la construction d’une fonction information, conseil, orientation tout au long de la vie ». Et de se demander si ce champ de la « construction de la demande » relève de la mission des OPCA ou des Fongecif/ opacif (ou des opérateurs privés), et "quels mécanismes doivent en assurer le financement."
C’est là adopter résolument un angle de vue « individuel » sur la demande. Et certes nombre de salariés et de demandeurs d’emploi sont déconcertés devant une offre de formation – et de certification – qui leur semble difficilement lisible.
Mais que serait une demande purement individuelle qui ne trouverait pas de point d'ancrage dans un réinvestissement accompagné ? Que serait une dynamique individuelle sans relais de terrain ?
La formation ne peut être renvoyée à un agencement de dispositifs purement individuels : elle ne se conçoit qu'en rapport avec les autres facteurs de la création de compétences, qu'en interaction avec la gestion des ressources humaines d’une part, l’organisation du travail et la qualité du management d’autre part. La qualité de la prestation de formation se joue de l’amont à l’aval, de l’articulation à la GPEC au dispositif de suivi et d’évaluation de la formation. Le rôle du Responsable Formation, à l’articulation entre les besoins métiers et les enjeux RH, est ainsi déterminant pour discerner ce qui relève ou non de la formation et qualifier justement le besoin. En matière de formation, la qualité de la prestation est affaire de co-construction entre les demandeurs et le prestataire.