Les formations au management apportent aux managers des outils, des techniques qui reposent sur des concepts issus des pratiques et de la recherche, notamment en sciences humaines. De ce fait, les enseignements et la recherche en psychologie sont utiles au manager pour comprendre son comportement, ses émotions (et ceux de ses interlocuteurs) et les répercussions de ses attitudes sur ses pratiques managériales au quotidien et ce, afin qu’il puisse agir et progresser.
De la psychologie certes, mais laquelle ? Les domaines et les disciplines sont divers et variés. Dans ce premier article, je vais aborder surtout les recherches en psychologie sociale qui ont vocation à être applicables en management.
Vous avez dit « psychologie sociale » ?
La psychologie sociale est une discipline scientifique qui s’intéresse à ce que pensent, ce que font et ce que ressentent les personnes insérées dans un environnement social. Son objet est d’analyser les dispositifs et les stimuli qui influencent nos comportements sociaux et qui déterminent et orientent les relations et les conduites des individus au sein d'une société.
En quoi est-elle utile au manager ? Elle lui permet de comprendre, par exemple, en quoi les valeurs, les appartenances catégorielles, l’identité sociale, les phénomènes de perception, la recherche de l’équilibre cognitif ou les représentations influencent son comportement et les répercussions sur son équipe.
Willem Doise (in "Psychologie sociale et développement cognitif", Armand Colin) définit quatre niveaux d’analyse distincts qui permettent au manager d’analyser les situations managériales.
Premier niveau intra psychique ou intra-individuel
Il se réfère à l'individu et se limite aux processus internes aux sujets. Par exemple : la manière dont ils organisent leurs pensées, comment ils évaluent leur environnement et comment ils se comportent face à cet environnement. En somme, on regarde comment le sujet vit son expérience dans son environnement, comment il fait pour organiser sa vie sociale.
Prenons un exemple. David présente à son équipe le plan d’action défini par le service qualité pour améliorer le taux de service. Il explique et argumente ce projet assez complexe.Comment va t il aborder ce sujet ? Comment présenter les données et les informations pertinentes face à l'un de ses collaborateurs qui manifeste des signes de résistances et de scepticisme ?
Analyser ces processus au niveau de la personnalité de David et de son collaborateur, et de leurs systèmes de traitement de l’information relève de ce premier niveau.
La prise en compte de ce premier niveau par le manager montre qu’il cherche à comprendre ses collaborateurs plutôt qu’à les évaluer à travers le filtre de son propre cadre de référence. Attention cependant aux projections, aux interprétations : le manager ne peut formuler que des hypothèses qu’il aura intérêt à valider auprès de l’intéressé.
Deuxième niveau : inter individuel et situationnel
Ce deuxième niveau d’analyse s’intéresse à la dynamique des processus entre individus dans une situation donnée, aux mécanismes des relations entre individus ou entre groupes.
Il s'agit ici d'étudier les interactions entre les personnes, par exemple analyser les modalités des relations entre deux personnes en situation de conflit ou en résolution de problèmes. Le diagnostic ne porte pas ici sur la personnalité des individus mais sur la relation et la dynamique interpersonnelle qu’ils mettent en place dans cette situation : une organisation interindividuelle et comment tout ce qui est mis en place affecte le résultat.
Revenons à David. Il sait qu’il peut compter sur Alain son fidèle collaborateur qu’il a lui même embauché. Il est également au courant des causes d’absence de Michel, un technicien très apprécié par l’équipe. Le plus difficile pour lui est de convaincre Olivier, son partenaire de tennis et ami de longue date.
Analyser la dynamique d’échange, les jeux de rôle au sein de cette réunion, les stratégies conscientes ou inconscientes, explicites ou implicites, telle est l’approche du deuxième niveau.
De nombreux modèles et outils, accessibles aux managers, permettent de comprendre et d’agir à ce deuxième niveau. Il s’agit de changer l’interaction plutôt que de chercher à changer les individus. S’il est opérationnel et dans le champ de responsabilité du manager, ce deuxième niveau n’éclaire qu’une partie de la réalité.
En effet, la bonne connaissance des membres de l’équipe et la capacité à gérer et réguler les relations entre les membres de l’équipe est certes primordiale mais encore pas suffisante.
Troisième niveau : le niveau positionnel
Dans la même réunion, David, ingénieur reconnu par ses réalisations et ses succès, doit composer avec trois équipes : celle des techniciens, celle du matin composée des anciens, qui connaissent parfaitement le travail, et enfin celle du SAV qui est pour 80% du temps à l’extérieur chez les clients. Quand à Julie, la nouvelle stagiaire qui a un grand respect pour la hiérarchie, elle ne cherche qu’à apprendre et capitaliser de l’expérience, elle respecte à la lettre les directives de son tuteur David.
Comment toutes ces personnes vont-elles se comporter ? Quels sont les mécanismes d’influence et de pouvoir qui vont s’opérer entre les membres de l’équipe. Comment les décisions seront-elles prises ? Comment va réagir telle personne?
A ce troisième niveau, les explications se trouvent dans les diverses positions sociales des individus et dans les relations hiérarchiques du système où ils évoluent.
L’individu est socialement intégré dans des groupes divers et variés, avec des relations hiérarchiques explicites ou implicites. Ces appartenances vont affecter ses comportements, ses pensées et bien sûr ses relations et ses décisions : on s'intéresse ici au statut et à la fonction.
Ce troisième niveau d’analyse resitue l’individu dans son contexte de travail : à l’intrapsychique et au relationnel s’ajoute le fait qu’il exerce ses fonctions dans un système qui définit ses limites et ses marges de manœuvre.
Quatrième niveau : le niveau idéologique
Ce quatrième niveau relève d’une vision plus globale. Il se situe au niveau de la société en tant que culture avec ses croyances, ses valeurs, ses normes et ses idéologies. Toutes ces données vont influencer la personne au niveau de son comportement, ses attitudes, ses modes de pensée et enfin ses actes.
J’aurais dû commencer par : David travaille depuis 5 ans au sein d’un groupe agro alimentaire japonais. Le groupe a une vision très pointue sur la qualité, l’hygiène et la sécurité sans oublier les améliorations permanentes, la croyance dans la persévérance, le travail bien fait. L’effort permanent et la réussite collective sont les valeurs de ce grand groupe. Tous les mois une note révèle le meilleur et le moins efficace des collaborateurs.
Quelles sont les croyances idéologiques de ce système? Comment ces principes vont-ils impacter les comportements? Quels sont les mécanismes de soumission et comment les personnes pensent-elles, agissent-elles et intègrent-elles ses croyances et ses valeurs ?
Ce quatrième niveau resitue les comportements dans un cadre plus global qui, s’il influence les collaborateurs, ne leur retire en rien leur libre arbitre.
Dans le diagnostic, les différents niveaux d'analyse peuvent être articulés. Une analyse d’un comportement ou d’une situation ne dois pas se limiter à un seul niveau. Les quatre sont en interactions et bien évidement liés .
Et vous, à quel(s) niveau(x) analysez-vous les situations auxquelles vous êtes confrontés ?
Les différentes théories de chaque niveau feront l'objet de prochains billets pour expliquer en quoi elles peuvent guider les manager et si la psychologie est utile aux managers.
Pour aller plus loin :
Formation : Manager, prévenir les risques psychosociaux dans vos équipes
Formation : Faire face au risque de burn-out des collaborateurs
Formation : Manager des comportements difficiles