C.K. Prahalad a émis l’idée dite du BoP, « Bottom of the Pyramid», dans un article écrit en 2000 avec S. Hart puis dans son ouvrage The Fortune at the Bottom of Pyramid, publié en 2004. Il y attirait l’attention des industriels sur le potentiel de profits que représente le marché du « bas de la pyramide », constitué de l’ensemble des populations pauvres vivant avec quelques dollars par jour. Il indiquait que les entreprises ne s'adressaient qu'aux populations à pouvoir d'achat alors qu'il y avait un marché bien plus important au "bas de la pyramide", chez les populations vivant à moins de deux dollars par jour. Bien que contestée par certains aspects, elle a inspiré, depuis, plusieurs entreprises et ouvert des possibilités innovantes.
Stratégie marketing du BoP: la question morale
Chercheur en économie à l'université du Michigan, Aneel Karnani, souleva des contre-arguments à la théorie de Prahalad. Tout d'abord, il faisait remarquer que cette population ne dispose pas d'un budget suffisant pour des biens qui ne sont pas de 1ère nécessité. Ensuite il opposa la question de la morale: peut-on encourager des personnes très pauvres à acheter une télévision ou autre produit de loisirs, alors qu'ils ont d'abord besoin de nourriture? Quand CK. Prahalad défend la théorie du libre arbitre, A.Karnani demande à réfléchir aux produits et services qui seront proposés à cette population.
Strategie marketing BoP: le défi de la "pénalité"de pauvreté
Eric Güller et Robert Ruttmann d'Equity Research, ont fait remarquer que la pauvreté des populations les amènent à consacrer l'essentiel de leurs revenus à leurs besoins primaires - nourriture, habillement, et carburant- les laissant démunis lorsqu'ils ont besoin de téléphoner, d'un crédit, d'électricité ou d'eau potable. Vivant la plupart du temps dans des régions situées à l'écart des grands flux économiques, ces personnes subissent "la pénalité de la pauvreté" en payant plus cher que des citadins, des biens de première ou seconde nécessité. Les auteurs suggèrent qu'en se diversifiant sur le marché du BoP par des offres adaptées en prix ou en conditionnement, les entreprises diminueraient cette pénalité.
Stratégie marketing BoP: l'opportunité d'un potentiel
Ce segment de marché, inexploré quand Prahalad et Stuart émettent leur théorie en 2000, représente un potentiel certain estimé à 72% de la population mondiale. Bien que le pouvoir d'achat par individu est faible, au global, il mérite d'être appréhendé.
D'après Brice Lewillie, l’entreprise, en s'adressant aux populations BOP, peut apporter une solution aux problèmes de pauvreté, tout en développant une activité très rentable.
Néanmoins, cela nécessite de s'adapter aux spécificités des populations, des régions, du degré d'urbanisation.
Stratégie marketing du BoP: la question de l'accessibilité
Chirag Mehta, dans son billet du 3 novembre 2010 met l'accent sur ce qui est pour lui l'un des plus grands défis des entreprises pour répondre aux populations du BoP: le manque d'accès direct à ces consommateurs, qui sont, du fait de leur éloignement des centre économiques, difficiles à atteindre. Le téléphone mobile est une opportunité pour ces populations, comme en témoigne les diverses réalisations en Inde et en Afrique que mentionne M.Somasekhar, dans son billet de mai 2010. Le mobile aide au transfert d'argent, au paiement des factures de services publics, à l'accès aux informations sur la santé, ou encore à réserver des billets.
Stratégie marketing du BoP: repenser la chaîne de valeur
Cette stratégie s'envisage sur le long terme et peut "renverser les modèles de conception et les chaînes de valeur de la firme", comme l'indique Céline Cholez: "Les marchés BOP impliqueraient en effet un nouveau rapport prix/performance, de nouvelles formes de production et de distribution, une redistribution des compétences des différents acteurs de la chaîne de valeur, etc. L'enjeu serait celui de reconfigurer l'ensemble des process de la firme pour abaisser les prix, pénétrer les zones les plus reculées, et éventuellement faciliter l'acte d'achat par un système de location ou de crédit." Pour Céline Cholet, "La chaîne de valeur d'un marché BOP se présente comme un système d'interdépendances entre les acteurs", comme les ONG, les pouvoirs publics locaux, des partenariats avec des distributeurs, des associations, des entrepreneurs locaux...
Stratégie marketing du BoP: la réponse du Social business
Le marché du BoP est un segment auquel le "Social business" peut apporter une réponse, en intégrant deux composantes dans sa stratégie marketing: la mission sociale et le développement économique, par des offres adaptées. Ainsi que l'écrit Jacques Bloch dans son billet du 12 janvier 2011,"les entreprises peuvent donc à la fois « faire du business » et avoir un véritable rôle social. Il cite Hindoustan unilever qui dès 2000, s’inspira de la théorie BoP et lança le projet « Shakti » en collaboration avec des ONG locales. Avec l’aide de micro-crédits, des groupes de femmes, formées aux produits, à la vente et au management,ont pu investir dans un stock et vendre des produits aux populations locales.
Stratégie marketing du BoP: En savoir plus
- Le billet de Jacques Bloch du 21 janvier 2011 sur l'expérience de Véolia
- Le billet de Akshay Rao sur des réalisations menées en 2010
- Le billet de Marc bedford sur la théorie de Prahalad et l'innovation de rupture qu'elle impose.