L’Euro-PP (euro private placement) ou placement obligataire privé en euro, créé en France en 2012, a pour objectif de contribuer au financement des ETI (entreprises de taille intermédiaire) n’ayant pas la taille suffisante pour accéder au marché obligataire coté.

L'Euro-PP, un mode de financement qui a la vent en poupe !

Il permet à ces entreprises d’accéder à une catégorie d’investisseurs auxquels ils n’avaient jusqu’alors pas accès (compagnies d’assurance, mutuelles…). Il constitue pour les directeurs financiers un moyen complémentaire pour couvrir leurs besoins de financement à MLT par un financement qui a vocation à devenir récurrent.

Qu’est-ce qu’un Euro-PP ?

L’Euro-PP (placement privé en euro) est un financement à MLT émis par une entreprise (le plus souvent une ETI) ou une collectivité publique. Il prend la forme d’un emprunt indivis ou d’obligations non cotées et fait l’objet d’un placement privé. Le prêt est le plus souvent « arrangé » par une banque à partir d’un contrat standard et placé auprès des investisseurs par ses équipes commerciales. L’arrangeur se rémunère par des commissions.

La plupart des investisseurs sont des « institutionnels » (compagnies d’assurances, mutuelles, banques…). Ils investissent seuls ou collectivement au travers de fonds de placement à l’économie (FPE).

L’Euro-PP été introduit en France en 2012 par imitation des US-PP américains et du « Schuldschein » (reconnaissance de dette) allemand qui date du milieu du 19e siècle. Il s’inscrit dans la tendance à la désintermédiation bancaire. La banque ne prête pas à partir de ses fonds, mais elle « arrange » le prêt et met en relation emprunteur et prêteur.

La réglementation Bâle III impose aux établissements de crédit un montant de capitaux propres plus élevé pour financer les prêts à risque. Elle contribue donc à ce large mouvement de désintermédiation.

Le premier Euro-PP a été émis en 2012 par le groupe Bonduelle pour 145 millions d’euros. De nombreux autres émetteurs ont suivi : Eramet, Manitou, Steria, Plastic Omnium, Lactalis, Laurent Perrier, Chargeurs...

Entre 2012 et fin 2015, le montant cumulé d’émissions a été de 13,5 milliards d’euros. Le montant moyen des émissions a fortement diminué et le nombre d'émetteurs a augmenté. Alors que les premières émissions avaient un montant au moins égal à 100 millions, une grande partie d’entre elles sont actuellement de 10 ou 20 millions d’euros.

La maturité se situe en moyenne entre 3 et 7 ans. Les avantages sont nombreux, pour l’emprunteur et l’investisseur.

Les avantages pour l’emprunteur

Tout d’abord, l’Euro-PP constitue pour l'ETI et la grosse PME une source de financement à MLT additionnelle. Il s’ajoute aux crédits bancaires classiques et aux financements d’actifs (crédit-bail, location financière, affacturage, nantissements de stocks...). Il est un substitut pour les entreprises dont la taille est insuffisante pour accéder au marché obligataire coté.

Diversifier les sources de financement constitue en effet pour le directeur financier un impératif pour gérer le risque de liquidité. Les Euro-PP n’ont donc pas vocation à se substituer totalement aux crédits bancaires, les investisseurs n’intervenant qu’en complément des banques notamment pour des raisons de risque. Tenues par leurs limites d’engagement, les banques proposent parfois à leur client un financement mixte combinant crédit à MLT classique et Euro-PP.

Un article paru dans la revue Option finance du 12 septembre 2016 décrit le montage financier du groupe Bastide, spécialisé dans l’équipement médical. Il lui a permis d’emprunter au total 115 millions d’euros. Le montage prévoit une combinaison de prêts syndiqués, de crédits amortissables et remboursables in fine ainsi qu’un placement obligataire privé (Euro-PP) de 25 millions sur 7 ans au taux fixe de 3%.

Ensuite, le remboursement en totalité à la date d’échéance (remboursement in fine) préserve les cashflows de l’entreprise sur la durée de l'obligation. Toutefois, le plus souvent, l’entreprise n’est pas en mesure de faire face au "mur de la dette", c’est-à-dire rembourser une dette in fine à partir des flux de trésorerie de son activité.

L’Euro-PP est alors remboursé par un nouvel Euro-PP à moins qu’un crédit bancaire à MT amortissable ne prenne le relais. Les Euro-PP ont vocation à constituer un financement récurrent en étant renouvelés à l’échéance. L’émission du premier euro-PP est souvent dénommé « inaugural ». Le remboursement in fine augmente le risque de crédit pour le prêteur et se traduit logiquement par un taux plus élevé.

Finalement, en comparaison avec une émission obligataire cotée, les formalités d’émission sont beaucoup plus simples, plus rapides (moins de trois mois) et moins couteuses. L’existence de contrats standards de place, de prêt ou d’émission obligataire met ce financement à la portée des ETI :

  • Le mémorandum d’information décrit l’entreprise et son secteur d’activité. Il contient les principaux éléments financiers ainsi que son business plan et l’affectation des fonds.
  • Le term sheet décrit les modalités du prêt : montant, taux durée, engagements de l’emprunteur (covenants).

Les avantages pour l’investisseur

  • Dans un contexte de taux extrêmement bas, les Euro-PP constituent un mode de placement offrant un rendement comparativement attractif en permettant aux investisseurs institutionnels de diversifier leurs placements.
  • Le placement privé étant réalisé auprès d’un nombre limité d’investisseurs, ces derniers sont en position de négocier les modalités du prêt de gré à gré (term sheet).
  • Même si les investisseurs institutionnels détiennent habituellement leurs placement jusqu’à échéance, l’Euro-PP est transférable à un autre créancier en cours de vie.
  • Pour assoir la crédibilité de ce segment de marché financier, les arrangeurs sont sélectifs quant au profil des entreprises emprunteuses. De fait, ce marché n’a pas connu à ce jour de défaillance depuis 2012.

Modalités d’émission

Les titres cotés sont obligatoirement inscrits aux opérations d’Euroclear France (chambre de règlement - livraison et dépositaire) et se voient attribuer un code ISIN. Les titres non cotés peuvent également être inscrits aux opérations d’Euroclear ce qui rend visible leurs caractéristiques de base (émetteur, taux, montant, maturité).

En pratique, les investisseurs préfèrent le plus souvent des titres admis aux opérations d'Euroclear France pour faciliter les transferts et les paiements. Les titres inscrits à Euroclear sont le plus souvent au porteur mais peuvent également être nominatifs. Ceux qui ne sont pas inscrits à Euroclear sont nécessairement nominatifs.

Des innovations pour améliorer l’attractivité du financement

Ce marché que certains estiment déjà mature propose des innovations visant à améliorer l’attractivité de ce financement, notamment par rapport à l’US-PP et au Schuldschein :

  • Possibilité d’introduire une clause de remboursement anticipé à l’initiative de l’emprunteur à une date prédéfinie lui permettant de lisser les échéances. Il évite ainsi de se trouver face à un mur de dette qu’il ne parviendra pas à rembourser autrement que par un nouvel Euro-PP ;
  • La possibilité d’émission dans une monnaie autre que l’euro permet d’attirer à la fois des emprunteurs et des investisseurs étrangers ce qui a été le cas en 2016.

Pour aller plus loin

Ecrit par

Michel Sion

Spécialisé dans la finance d'entreprise, Michel Sion est responsable des offres de formation Trésorerie, Finance, Gestion et Comptabilité pour non spécialistes et Risque client.
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