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Auparavant essentiellement associée à l’univers des personnes LGBTQIA+, l’Allyship est une posture qui fait de plus en plus parler d’elle au sein des entreprises. En effet, elle permet de construire un environnement de travail plus sain tout en allant plus loin dans les politiques de diversité et d’inclusion. Elle favorise notamment la "solidarité active" au sein des équipes. Explications.
Contraction du mot ally (qui signifie allié, en anglais) et leadership, l’Allyship peut être défini comme une posture de "solidarité active" ou encore une nouvelle forme d’alliance positive, sans que celle-ci soit régie par une logique de pouvoir.
Par exemple, cette solidarité active peut se manifester lorsqu’en réunion, une collaboratrice – souvent la plus jeune ou la seule femme – tente à plusieurs reprises d’apporter une idée sans être écoutée. Si un collègue reprend ensuite cette idée à son compte, la posture d’Allyship consiste à intervenir pour lui redonner la parole et la visibilité : "Merci Maurice pour ce que tu viens de partager, mais je voudrais redonner la parole à Marie, qui essayait justement d’exprimer cette idée. Marie, veux-tu la développer ?".
« L’Allyship est à la fois une valeur et un comportement actif, qui repose sur une capacité et une envie de créer des relations de soutien, à tous les niveaux de l’entreprise », explique Catherine Jacquet, directrice de projet Management, Leadership et RSE au sein de l’équipe Sur-Mesure chez Cegos.
En devenant des "alliés", collaborateurs et collaboratrices développent un climat de sécurité psychologique dans le milieu professionnel. « Il permet à l’ensemble des équipes de se sentir valorisées dans leur singularité, respectées dans leur diversité et reconnues dans leur capacité à contribuer », précise notre experte. Elle incite les personnes de toute origine à créer des relations de soutien, à tous les niveaux de l’entreprise, de manière pérenne et volontaire.
Grâce à l’Allyship – qui fait écho aux valeurs d’inclusion des entreprises – les équipes favorisent donc le sentiment d’appartenance et de liberté d’expression en interne. « Or, c’est un facteur de performance, d’innovation mais aussi de rétention », rappelle Catherine Jacquet. Aujourd’hui, de grandes entreprises mondiales – ayant une faible culture internationale – s’appuient sur l’Allyship pour renforcer l’engagement de leurs salariés, qui sont régulièrement confrontés à des chocs culturels lorsqu’ils doivent collaborer avec des équipes d’autres pays ou de différentes générations. Par ce biais, elles renforcent donc la sécurité psychologique de leurs collaborateurs tout en faisant progresser leur politique de diversité et d’inclusion en interne.
Très connu dans les pays anglo-saxons, le concept d’Allyship est encore relativement confidentiel en France. Il a été popularisé dans les années 1960, lors du Mouvement américain des droits civiques. Citoyens afro-américains et citoyens blancs américains abolitionnistes luttaient pour que les afro-américains bénéficient des mêmes droits civiques que tout autre américain.
Plus récemment, cet activisme a fait parler de lui à l’occasion d'actes discriminants révélés par les mouvements #MeToo et Black lives matter. Deux événements marquants qui ont forcé les citoyens à changer leur regard sur le monde qui les entoure. Si bien que depuis une poignée d’années, la notion d’Allyship touche la sphère des entreprises, qui l’intègrent dans leur politique de diversité et d’inclusion.
Promouvoir la posture d’Allyship est pertinent pour lutter contre les stéréotypes et ainsi favoriser l’émergence d’un environnement inclusif. Il est possible de développer l’Allyship en exploitant plusieurs bonnes pratiques :
« L’Allyship oblige à prendre conscience de ses biais, de ses stéréotypes, notamment ceux plus systémiques liés à une culture, une éducation… L’Allyship invite donc à grandir dans sa compréhension d’un monde devenu pluriel », explique Catherine Jacquet. En sensibilisant et en formant l’ensemble de leurs collaborateurs à ce concept, les entreprises font en donc sorte qu’il soit incarné en interne.
Un exemple concret de ce travail sur les biais peut concerner la tendance à accorder davantage d’attention aux personnes extraverties ou à suivre inconsciemment les leaders d’un groupe. Pour contrer ces biais, certaines équipes utilisent un mémo écrit en début de réunion afin de recueillir l’avis de chacun avant d’ouvrir la discussion, garantissant ainsi une expression plus équilibrée.
« Pour le compte de nos clients, nous organisons des ateliers d’une demi-journée avec les managers, afin de les aider à trouver des solutions pour faire vivre le sujet au sein de leur équipe. Cela peut-être intégrer de nouveaux rituels d’inclusion, écrire une charte dédiée à l’Allyship… », illustre-t-elle. La clé est donc de faire vivre des expériences personnelles et collectives.
Certains groupes réfléchissent par exemple à instaurer une "minute Allyship" en début de réunion pour évoquer d’éventuels incidents survenus récemment et rappeler quelques bonnes pratiques d’inclusion.
L’idée est ici de faire prendre conscience aux collaborateurs qu’ils ont tous des préjugés, qu’ils sont susceptibles de véhiculer de manière consciente ou non. Une étude menée en mai 2024 par l’IFOP pour le cabinet de conseils Paritalité indique que 82 % des salariés français ont déjà été témoins de micro-agressions en entreprise. Ces micro-agressions stigmatisent les salariés en raison de leur appartenance à un groupe (les femmes, les seniors…) « Les équipes doivent prendre conscience qu’elles doivent cesser d’être alliées de ces micro-agressions », explique notre experte. C’est d’autant plus important que l’exposition aux micro-agressions détériore le bien-être au travail et la fidélité à l’entreprise.
Une situation fréquente peut être celle d’une remarque déplacée, souvent déguisée en plaisanterie, comme un commentaire sur les cheveux frisés d’une personne métisse. Dans ce cas, la solidarité active consiste à intervenir immédiatement pour signaler que la remarque est inappropriée, sans impliquer la personne visée pour ne pas la mettre mal à l’aise.
« Pour réussir à ancrer l’Allyship dans sa culture d’entreprise, il faut également continuer à partager des histoires réelles vécues, par exemple des situations compliquées et résolues, afin que les salariés puissent s’identifier », explique Catherine Jacquet. Les succès concrets du quotidien ont, eux aussi, toute leur place dans la communication interne de l’entreprise.
Par exemple : une meilleure entente dans une équipe jusqu’ici dysfonctionnelle, l’identification de signaux d’alerte pour mettre à distance des personnes n’ayant pas encore compris l’importance de l’Allyship… Quoiqu’il en soit, l’idée est d’illustrer cette notion par des exemples pour que l’Allyship intègre le vocabulaire de l’entreprise.
Cela peut-être une collaboratrice à qui un collègue fait une remarque déplacée après une réunion – du type « vous avez dû bien vous entendre, tu lui as donné chaud Maurice ! » – choisit d’en parler directement à la personne concernée pour expliquer son ressenti. Cet échange lui permet de prendre conscience du caractère offensant de sa remarque et de s’excuser. Ce genre d’histoire vécue illustre la force du dialogue et la capacité à réparer une situation.
« Si, par mon attitude, je n’ai pas la capacité de laisser s’exprimer les talents différents, je vais me priver – moi et mon entreprise – d’innovation, de solutions nouvelles, de talents dont on a tous besoin pour développer la nouvelle stratégie ». Cette auto-critique n’est pas innée chez certains collaborateurs et collaboratrices.
C’est, là aussi, en multipliant les interventions (ateliers de sensibilisation, séminaires, formations…) que les entreprises peuvent doper le sens critique de leurs collaborateurs et collaboratrices. « Il est essentiel d’accompagner les salariés pour qu’ils développent leur discernement et deviennent des alliés actifs, et non des moralisateurs ou des juges », précise Catherine Jacquet.
D’après Poornima Luthra, professeure au sein de la Copenhagen Business School, qui travaille sur le concept d’Allyship, créer des groupes de travail composés de minorités sous -représentées et de leurs alliés et les faire parrainer par les dirigeants peut être une bonne stratégie.
Ces groupes de travail sont souvent des communautés informelles permettant de partager des situations compliquées et d’échanger sur des expériences vécues. Leur force réside dans l’entraide et la confiance qui s’y développent.
« Développer des ERG adaptés à la culture française peut jouer un rôle intéressant, notamment pour faciliter la communication en période de changement, engager tous les collaborateurs, permettre un alignement avec les valeurs du groupe… Et ainsi pérenniser le sujet au cœur de la vie des équipes et des échanges inter-relationnels », explique Catherine Jacquet.
Opération impossible