Comment éviter le greenwashing ?

Véronique SouchetManager des offres Techniques d'expression écrite et orale et Communication interne externe chez Cegos
Aurélie TachotRédactrice

À l’heure où les Français attendent des marques qu’elles soient responsables, il arrive que des entreprises communiquent sur de fausses allégations écologiques. Une pratique trompeuse appelée « greenwashing » à laquelle les professionnels de la communication doivent être mieux sensibilisés.

Greenwashing : définition

Aujourd’hui, beaucoup d’entreprises communiquent sur leur démarche de développement durable. Lorsque cette prise de parole est incohérente avec la réalité du terrain, les organisations sont taxées de greenwashing. Aussi appelé "éco-blanchiment" en français, le greenwashing est « l’utilisation abusive de l’argument écologique dans sa communication ou son marketing», explique Véronique Souchet, Manager de l’offre Communication interne et externe au sein du groupe Cegos.

Apparu dans les années 90 au moment de la montée en puissance des arguments écologiques dans les campagnes publicitaires, le greenwashing est défini par l’ADEME pour qualifier « toute allégation pouvant induire le public en erreur sur la qualité écologique réelle d’un produit ou d’un service ou sur la réalité de la démarche développement durable d’une organisation. »

Preuve de l’intérêt croissant autour du greenwashing, le volume de contenus en rapport avec le sujet dans les médias grand public et sur les réseaux sociaux a doublé chaque année sur une période de trois ans (de novembre 2019 à septembre 2022), selon une étude Onclusive.

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Un cadre déontologique renforcé contre le greenwashing

Dès lors qu’une entreprise aborde, dans sa communication, des enjeux, des produits ou des services en lien avec le développement durable, elle est soumise à un cadre déontologique. C’est l’ARPP (l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité) qui définit les recommandations et qui veille à leur respect. L’avis de cette instance est obligatoire avant toute diffusion d’une publicité à la télévision et facultative pour les autres supports (web, presse, affichage...). « Le greenwashing concerne toutes les actions et supports de communication et incluent donc publicité, logos, newsletters, sites web, événements, packaging, relations publics... », explique Véronique Souchet.

En parallèle de l’ARPP, le Jury de déontologie publicitaire (JDP) peut être saisi par tout citoyen ou toute ONG constatant une publicité abusive. Selon un bilan[1] produit par l’ARPP portant sur les quatre derniers mois de 2020, le taux de conformité des publicités environnementales s’élevait à 89,1 %.

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Comment reconnaître le greenwashing ?

Rares sont les entreprises à tromper volontairement leur écosystème, vu tous les risques que ça comporte (en termes d’image, de ventes, de marque employeur...). « Les erreurs s’expliquent plutôt par une méconnaissance générale du cadre déontologique et par une incohérence entre le message, le visuel et la réalité de l’entreprise », estime Véronique Souchet. Plusieurs signes indiquent qu’une action de communication relève du greenwashing. Parmi ces indices, l’ADEME indique, dans son guide :

  • La valorisation de comportements contraires aux objectifs de développement durable ou dénigrant les comportements positifs (une invitation à gaspiller, à surconsommer...), 
  • L’absence de preuve permettant de justifier l’allégation environnementale ou son manque de clarté qui empêche le grand public de comprendre les atouts de la démarche,
  • Une promesse mensongère ou disproportionnée à travers son vocabulaire,
  • Des éléments visuels ou sonores trompeurs évoquant la nature, qui ne doivent pas induire en erreur le consommateur sur les propriétés environnementales d’une action ou d’un produit.

En résumé, un mensonge, une promesse disproportionnée, des mots vagues, le mauvais usage de termes encadrés (éco-conçu, éco-geste, recyclable...), des informations insuffisantes, une image suggestive (par exemple un visuel rappelant la nature), un faux label auto-déclaré (Label développement durable, Label écologique...), une mise en avant hors sujet, des preuves inexistantes et une fausse exclusivité (un argument commercial qui fait en réalité l’objet d’une obligation légale, par exemple) sont autant de signes qui suggèrent un greenwashing.

Les risques encourus par les entreprises

En 2021, la loi Climat et Résilience ajoute un amendement au Code de la consommation afin de faire figurer le greenwashing au rang des pratiques commerciales trompeuses comme définies dans l’article L 121-2. Concrètement, l’amendement fait état de « l’impact environnemental » comme caractéristique essentielle d’un bien ou d’un service. À partir de cette date, la pratique du greenwashing est punie de deux ans de prison et de 300 000 euros d’amende. Depuis janvier 2023, les allégations portant sur la « neutralité carbone » d’un produit ou d’un service sont également encadrées plus sévèrement. Sur ce sujet, les entreprises en infraction risquent 100 000 euros d’amende.

Au-delà du volet légal, « les entreprises s’exposent à des risques réputationnels qui peuvent non seulement entraver l’image qu’ils ont auprès de leurs clients, salariés, partenaires mais aussi de leur marque employeur », souligne Véronique Souchet. Par ailleurs, une entreprise se prenant les pieds dans le tapis risque, par la suite, de ne plus être crédible lorsqu’elle souhaitera valoriser des engagements ou des actions envers la protection de l’environnement. Pire : elle risque de nuire à celles qui s’engagent vraiment, le greenwashing étant un frein à la transition écologique. Prôner une communication responsable c’est aussi se donner une opportunité de transformer les représentations et de lutter contre les stéréotypes.

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Quelles questions se poser pour éviter le greenwashing ?

Avant le lancement d’une campagne de communication se basant sur un argument responsable, il est nécessaire de prendre quelques précautions et de se poser les questions suivantes, pour l’annonceur comme pour son agence :

  •  Est-ce que l’entreprise a agi avant de communiquer ? En d’autres termes : a-t-elle déjà mis en œuvre des actions concrètes en faveur du développement durable ?
  • L’entreprise a-t-elle suffisamment évalué la dimension écologique de son produit / service ?  A-t-elle des preuves chiffrées et précises de ce qu’elle avance ?
  • Le message de la campagne respecte-t-il le cadre référentiel ? Utilise-t-il un vocabulaire et un visuel explicites ? Est-il proportionnel à la réalité ? L’information est-elle claire et sans ambiguïté pour le client ?  

Pour aider les communicants, l’ADEME a créé un test en ligne qui permet d’auto-évaluer des messages utilisant l’argument écologique et/ou développement durable. « Il s’agit d’un outil d’aide à la décision très utile lorsqu’on souhaite éviter le greenwashing, améliorer ses pratiques et entretenir une image positive », indique Véronique Souchet. Plus globalement, avant d’initier toute campagne de communication, il est important de se former à « éco-concevoir » ses actions et à revisiter ses pratiques.


[1] Bilan des 4 premiers mois d'application de la version 3 de la Recommandation ARPP Développement durable, Ademe et ARPP, 2022

Expert :

Véronique Souchet

Véronique se consacre au développement de deux gammes qui donnent à chacune et chacun des clés pour communiquer en transverse auprès de ses parties prenantes et valoriser ainsi son efficacité professionnelle et son employabilité. Véronique a plus de 25 années d’expérience dans la communication, le marketing et le business development.Elle a travaillé d'abord dans le secteur culturel avant de rejoindre pendant 15 ans celui du conseil en management (banque, assurance, industries et services).Membre de l'axe RSE de COM-ENT (Communication et Entreprise) et de l'AFCI (Association Française Communication Interne), Véronique aime contribuer à la réflexion sur les enjeux et l'évolution de la profession du communicant. Son approche pédagogique a pour but d’accompagner les communicants dans la transformation digitale et responsable de leurs métiers.
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