Pour le retour des chevals
La difficulté des jeunes enfants à intégrer la règle du pluriel des noms en "-al" est bien connue. Prenons le cas du cheval. Il est vraisemblable qu'il y a là, pour eux, plus qu'un changement de flexion : un changement d'espèce. Un exemple, avec Margot, 5 ans : « – Tiens, j'ai vu des chevals ! – Non, c'est des chevaux. – Ah bon ! pourtant ça ressemblait à des chevals. »
Aussi, me suis-je demandé par quelle perversité notre langue avait inventé des pluriels en -aux et des pluriels en -als (chacals, carnavals, festivals...)*.
Comment expliquer les pluriels en « –aux » ?
Autrefois, les mots en "-als" se prononçaient "-aü". Un [cheval], des [chevaü]. Puis [aü] est devenu [o]. Comme en parallèle, les copistes raccourcissaient "ls" en "x", les chevals sont des devenus des chevauls, puis des chevaux. (Et les chols, des choux)
Mais pourquoi un chacal, des chacals ?
Oui, pourquoi certains animaux ont-ils gardé leur "al" ?Je ne vois qu'une explication [osée, je le précise]. Les Jésuites, en charge de l'enseignement du français dans les pays où se trouvaient les gavials, les caracals et les chacals, ont hésité à transformer de sympathiques carnassiers en gaviaux, chacaux et autres caracaux. Les indigènes, indignés, les auraient crucifiés.
Comme le dit le proverbe : "on ne fait pas de vieux "aux" en pays nouveau."
Qu'en est-il pour festival et carnaval ?
Quant à festival et carnaval, arrivés qui d'Angleterre, qui d'Italie, bien après le XVe siècle, les règles d'importation des mots empêchaient qu'ils fussent déformés. Souvenez-vous qu'on écrivait jusqu'il y a peu : des scénarii, des matches (de football), voire des leitmotive ; et qu'on hésite entre des lieds et des lieder.
Alors je vous demande : et si on revenait à un cheval, des chevals ? La langue en serait rajeunie et les enfants se casseraient moins la tête**.
Et si ça marche, je proposerai, pour rajeunir encore plus, qu'on revienne au latin : twitteo, sed non te kiffeo (je twitte, mais je ne t'aime pas).
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Pour en savoir plus :
* Consultez la liste des exceptions
** Un ami linguiste me fait remarquer qu'on se soucie bien trop du sort des petits Français et pas des petits Peuls. Pour eux, « un peul se dit pullo (c'est l'origine du mot peul). Mais au pluriel [p] se change en [f] et le suffixe de classe [o] devient [ɓe] : le pluriel de peul est donc fulɓe. De même, "un mari" se dit gorko, et "des maris", worɓe. » On comprend mieux pourquoi Leopold Senghor a préféré passer l'agrégation de français: c'est beaucoup plus simple.