Recevez nos newsletters
Formation, Management, Commercial, Efficacité pro
Abonnez-vousYou are using an outdated browser. Please update your browser for a better experience
Dans son rapport, publié en avril 2012, intitulé "La formation professionnelle : clé pour l'emploi et la compétitivité", Gérard Larcher fait 26 propositions. Nous retiendrons pour le billet d'aujourd'hui trois propositions qui impacteraient directement les missions des acteurs de la fonction formation dans l'entreprise. Elles concernent la suppression de la contribution fiscale "0,9%" et l'obligation de négocier sur la formation.
Si ces propositions venaient à être appliquées, quels seraient les impacts pour les acteurs de la fonction formation ? Menace, ou opportunité ?
Reprenons les trois premières propositions du rapport Larcher :
Dans le chapitre 2 du rapport, G. Larcher dresse les constats à l'appui de ses propositions :
Et G. Larcher considère comme "légitime" le débat ouvert par l'Institut Montaigne, qui développe dans une étude de 2011 l'argument selon lequel notre mode de financement "contribue à aggraver les inégalités d'accès" ,"génère des circuits complexes de collecte", et contribue à "freiner l'initiative des salariés concernant leur propre formation".
L'inégalité de l'accès à la formation n'est contestée par personne. Elle ressort très clairement des chiffres de l'Annexe au projet de loi de finances 2012 : 15,7% des salariés des entreprises de 10 à 19 salariés ont suivi un stage en 2009, contre 61,5% des salariés des entreprises de 2000 salariés et plus. Le taux de participation à la formation croît régulièrement avec la taille : 1,31% de la masse salariale dans les entreprises de 10 salariés et plus, 3,99% dans les entreprises de 2000 salariés et plus (2,92% en moyenne).
Cependant, le taux d'accès à la formation des salariés français se situe dans la tranche haute, si on le compare à ceux des autres pays européens. Le moindre accès des salariés peu qualifié et de petites entreprises n'est pas une spécificité française. Il n'est donc pas engendré par son système de contribution fiscale obligatoire à la formation - on peut simplement constater que ce système ne parvient pas à contrebalancer le phénomène.
Le rapport reprend l'idée selon laquelle l'obligation fiscale contribuerait à déresponsabiliser les salariés vis à vis de leur formation. Ainsi, explique le rapport (p19), "Le moment est venu de remplacer ce qui est considéré par beaucoup comme une simple obligation financière et une contrainte administrative par une responsabilisation des entreprises et des salariés pour définir dans l'entreprise une stratégie de formation (...).
De fait, l'enquête Cegos sur la formation professionnelle montre de manière constante que les salariés français ne ressentent pas une particulière qualité du dialogue sur la formation, ou de l'accompagnement dans leur projet de formation, comparés à leurs collègues européens (y compris ceux des pays où il n'y a aucune obligation de financement). Voir le billet précédent.
Mais ce qui est peut être confirmé, dans ce rapport, c'est l'idée de mettre en face du "devoir de former " de l'employeur la "responsabilité de se former" du salarié.
Imaginez... Plus de contribution "0,9" égale plus de notion d'imputabilité. Forcément, moins d'administration de la formation, moins d'échanges tatillons sur les documents à fournir pour une prise en charge par l'OPCA...
Mais aussi, sans doute, comme l'induit le rapport Larcher, la porte ouverte à plus de créativité dans les dispositifs de formation. Plus besoin de se creuser les méninges pour "faire passer" l'accompagnement individuel dont le collaborateur a besoin "pour de la formation", de se demander "comment j'impute" le module de 3 heures, le temps passé au wiki, au partage de pratiques entre pairs, au projet collaboratif et apprenant...
Cependant, pas d'illusions. G. Larcher prend soin de rappeler les obligations légales (L 6321.1 al 1) et la jurisprudence en matière de devoir de former de l'employeur (voir à ce sujet un billet précédent). Et qui dit obligation juridique dit traçabilité des actions proposées au salarié et des actions effectivement suivies. Simplement, ce suivi devrait, en cas de suppression de la contribution "0,9" perdre de son aspect administratif ("je prouve que la dépense était bien imputable") et prendre plus de sens comme acte de GRH ("je prouve que j'ai veillé à l'adaptation de ce salarié aux exigences de son poste de travail, ou anticipé l'évolution de ses compétences"..).
La proposition d'intégrer la formation dans la négociation obligatoire sur la GPEC prend alors tout son sens. Et c'est peut être là une opportunité, pour la fonction formation, de se positionner véritablement comme "expert en développement des compétences".
Autre impact : la dépense n'étant plus obligatoire, il est probable que l'injonction de "prouver la valeur" se fera encore plus forte. L'impression de "fausse gratuité" disparaîtra : il s'agit bien d'une dépense de l'entreprise, qui produit, entre autres, un avantage concurrentiel difficilement imitable, car "incarné" dans les hommes et les femmes qui y travaillent. Le risque étant, bien sûr, que les entreprises les moins soucieuses du développement des compétences individuelles et collectives des salariés, ou simplement les plus fragiles économiquement, soient celles qui renoncent à cet investissement formation. On aurait alors l'inverse de l'effet recherché: l'inégalité d'accès à la formation se creuserait encore plus.
Au final, que cette réforme ait lieu ou non, les propositions du rapport nous donnent une bonne occasion de réfléchir aux missions de la fonction formation. Trop souvent, celle ci apparaît comme "l'expert en administration" d'un système difficilement compréhensible pour les non initiés. C'est en (re)devenant, aux yeux des opérationnels" un "expert en apprentissages et en développement de compétences" qu'elle retrouvera sa pleine légitimité.
Opération impossible