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Au sein des médias, il est régulièrement fait mention de « mode managériale » à propos des modalités de management employées par les entreprises, mais de quoi s’agit-il exactement ? L’expression est-elle justement employée, ou bien fait-elle l’objet d’un abus de langage ? Comment les chercheurs définissent-ils exactement un objet si complexe ?

Article proposé par , Enseignant-chercheur HDR en Stratégie, Propedia, et , Enseignant-Chercheur en RH, Propedia.

La théorie des modes managériales est née au milieu des années 1980 avec les travaux de Midler (1986) et d’Abrahamson (1986). Il s’agit d’une théorie qui estime que le mimétisme, le conformisme et la quête de légitimité tendent à expliquer la diffusion d’une pratique de gestion.

Le cycle de vie des modes

Plus précisément, les théoriciens des modes managériales étudient les phénomènes de diffusion à l’aune de la sociologie des modes, c’est-à-dire, qu’ils appréhendent les phénomènes d’adoption comme une marque de subordination aux normes sociales.

La théorie des modes managériales naît plus particulièrement d’une série d’observations pour le moins étonnantes. Depuis environ 40 ans, les pratiques de gestion suivent un cycle de vie de plus en plus court, marqué par des pics de popularité de plus en plus élevés.

Le cas du « management par la qualité totale », illustre parfaitement ce phénomène. En 1985, Lawler et Mohrman observent que la quasi-totalité des 500 plus grandes firmes mondiales a entrepris un projet de « management par la qualité totale ». Or, trois années plus tard, Castorine et Wood (1988) soulignent que 80 % d’entre elles ont abandonné ce projet au profit d’un dispositif jugé plus performant. L’exemple du « management par la qualité totale », bien qu’il demeure particulièrement bien documenté, n’est qu’une référence parmi d’autres comme en témoigne le graphique ci-dessous.

Quelques modes de 1970 à 2006

Giroux (2008)

Kieser (1997) dans un article intitulé « Rhetoric and Myth in Management Fashion » a de plus démontré que la diffusion des modèles de gestion répondait à des cycles de plus en plus courts, marqués par des pics de popularité de plus en plus élevés et des périodes d’interruptions de plus en plus faibles. Les travaux d’Abrahamson et Fairchild (1999) dans « Management Fashion : Lifecycles, Triggers, and Collective Learning Processes » fourniront la même conclusion.

Pour cette raison, Abrahamson et Fairchild (1999) définissent les modes managériales comme :

« des croyances collectives transitoires, qui sont disséminées par le discours des professionnels des savoirs managériaux, qui décident qu’une technique de management est à l’avant-garde d’un progrès rationnel du management ».

Les quatre critères de la mode

Les théoriciens des modes managériales placent en effet le discours promotionnel au centre du processus de diffusion. Ils soulignent plus exactement que l’on peut parler d’un phénomène de mode managériale dès lors que l’on observe la réunion des quatre critères suivants :

  • Premièrement, il faut qu’il y ait un objet de mode. Il s’agit, en règle générale, d’une pratique de gestion présentée comme étant un moyen moderne et rationnel d’obtenir de meilleurs résultats que les autres méthodes précédemment utilisées.
  • Deuxièmement, il faut que cette pratique et plus singulièrement le discours qui l’accompagne envahisse rapidement l’environnement des managers. C’est-à-dire, qu’ils entendent parler du dispositif dans la presse généraliste et spécialisée, dans les colloques, les séminaires et les réunions ; que plusieurs livres et articles soient publiés sur le sujet ; que de nombreux consultants en fassent la promotion ; que la pratique soit discutée, analysée et enseignée dans les universités et les écoles de commerce ; et qu’enfin, un nombre important d’entreprises affirment faire usage de ce dispositif dans le cadre de leur activité (Lire aussi la chronique « Comment les enseignant-chercheurs participent à la diffusion des modes managériales ? »“).
  • Troisièmement, il faut que le motif d’adoption ne soit pas uniquement lié à une recherche d’amélioration des tâches, mais qu’il résulte d’une croyance, d’un phénomène d’imitation ou d’autres critères de décision qui ne soient pas seulement liés à la supériorité effective de ladite pratique (Lire aussi la chronique ”Quatre bonnes raisons de suivre les modes managériales“).
  • Quatrièmement, il faut que la pratique fasse l’objet d’un cycle de vie court et que la baisse de popularité se manifeste par la chute draconienne du nombre d’articles et de livres publiés sur le sujet ; que l’on voit apparaître de nombreux commentaires suivant lesquels l’approche, qui jadis était en vogue, est désormais dépassée ; et que l’on puisse observer l’abandon des efforts d’implantation.

La présence de ces quatre critères est nécessaire pour que l’on puisse parler d’un phénomène de mode managériale. Toutefois, c’est le troisième critère, à savoir le « motif d’adoption », qui permet de distinguer le plus nettement une mode managériale de la diffusion normale d’une pratique reposant sur ses qualités intrinsèques.

Pour conclure, une mode managériale peut en synthèse être définie comme étant le résultat d’une pratique de gestion qui a connu une popularité rapide, suivie à relativement court terme d’une chute soudaine, et dont la popularité ne peut s’expliquer – uniquement – par sa valeur effective. Le motif d’adoption constitue à ce titre un élément clef des modes managériales.

Et vous, pour quel motif avez-vous réellement adopté votre dernier outil de management ?

 

 

La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.

Ecrit par

Cegos

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