Trier nos habitudes : 5 étapes pour chasser nos habitudes inefficaces
Première marche : repérer nos habitudes inefficaces
Deuxième marche : contrebalancer nos croyances sous-jacentes
Troisième marche : questionner les besoins ou les risques réels
Quatrième marche : défendre et ajuster les nouvelles pratiques
Cinquième marche : ancrer les nouveaux rituels
L'inconvénient des habitudes, c'est qu'elles nous poussent à agir sans réfléchir, et peut-être sans discerner ce qui est efficace de ce qui ne l'est pas, ce qui est important de ce qui est superflu. Elles connaissent si bien le chemin de nos gestes qu'elles reviennent au moindre prétexte hanter nos journées, quand bien même nous essayons d'en changer. Pour remplacer nos mauvaises habitudes par des rituels efficaces, suivons le conseil de Marc Twain : "On ne se débarrasse pas d'une habitude en la flanquant par la fenêtre; il faut lui faire descendre l'escalier marche par marche". Ces marches sont au nombre de cinq.
Marcel Duchamp.
Nu descendant un escalier.
Huile sur toile, 1912.
Première marche : repérer nos habitudes inefficaces
A ce stade, notre meilleur atout est la curiosité. Car nos habitudes sont passées maîtres dans l'art du camouflage. Pas vues pas prises. Mais alors, comment les épingler ?
- Le moyen le plus simple et le plus rapide est de comparer nos pratiques habituelles aux rituels efficaces. Par exemple, les rituels recommandés "démarrer sa journée par un dossier de fond" et "ouvrir sa boîte mail à 11h" sont incompatibles avec l'habitude de consulter nos mails dès notre arrivée au bureau. En voilà déjà une de repérée !
- Une autre façon de confronter nos habitudes est de les comparer avec les pratiques de nos collègues les plus efficaces. Ceux que nous admirons en pensant "mais comment s'y prennent-ils pour réaliser tout ça ?". Ils nous révélerons peut-être qu'ils refusent la moitié des sollicitations à participer à des réunions. Et voilà démasquée notre habitude d'accepter toutes les invitations.
- Enfin, les méthodes d'auto-pointage nous aideront à débusquer les mauvaises habitudes cachées derrière les piliers de l'inconscience. Le cumul des temps passés par type de tâche ou par projet éclaire d'une lumière crue leur inefficacité.
Deuxième marche : contrebalancer nos croyances sous-jacentes
L'émotion associée à cette étape est l'envie. Confortablement installées dans notre quotidien, nos mauvaises habitudes ne se laisseront pas déloger par une motivation vacillante. Si nous les pointons du doigt, elles useront de prétextes fallacieux comme "ça se fait", "on a toujours fait ça", ou encore un inquiétant "on ne sait jamais" qui aura raison de nos velléités. La première chose à faire est donc de nous donner un objectif motivant, une bonne raison de vouloir être plus efficaces.
Alors seulement, nous pourrons combattre à armes égales nos mauvaises habitudes et les multiples facettes de leur bonne conscience, comme la disponibilité aux autres, le perfectionnisme, ou le surinvestissement dans notre travail. Nous aurons un argument de poids à mettre en face, un but à atteindre qui nous aidera à passer outre les risques dont elles nous menacent.
Troisième marche : questionner les besoins ou les risques réels
C'est de lucidité dont nous avons besoin ici pour esquisser les contours d'une nouvelle pratique. Si nous ouvrons notre boîte mail dès notre arrivée au bureau, c'est sans doute pour être réactifs en cas d'urgence. Ce sont les notions même d'urgence et de réactivité que nous pouvons questionner. Les réelles urgences sont celles qui présentent un risque en cas de non traitement immédiat. Est-ce vraiment le cas de tous les mails auxquels nous nous empressons de répondre ? La réactivité se mesure-t-elle en minutes ou en demi-journées ? Sauf s'il est inscrit dans notre fonction d'être disponibles dès la première heure (hotline, service client, etc.), dans la grande majorité des cas, traiter une demande dans la journée est largement suffisant. Ce sont nos représentations - grandes alliées de nos habitudes - qui nous trompent.
Nous pouvons également à cette étape interroger nos "clients" internes. Lisent-ils toujours le rapport que nous leur envoyons ? Que font-ils des informations que nous leur transmettons ? Il est possible qu'un livrable moins complet ou un simple accès à des données brutes leur suffisent. Quelle économie de temps ! Un autre réflexe peut nous éviter quelques heures stériles passées en réunion : demander systématiquement à l'animateur quel sera notre rôle et ce qu'il attend de nous. En fonction de sa réponse, nous choisirons la meilleure alternative qui réponde à son besoin tout en nous épargnant la réunion : fournir une présentation, l'aider à préparer une séquence, rester joignable à distance pour répondre aux questions pointues, etc.
Quatrième marche : défendre et ajuster les nouvelles pratiques
Pour descendre cette quatrième marche, nous aurons besoin d'une bonne dose de persévérance. Car nos habitudes sont tenaces. Elles ne manqueront pas de brandir le drapeau d'un triomphal "je te l'avais bien dit !" au moindre incident. Une remarque acerbe nous blesse parce que nous n'avons pas traité une demande importante arrivée à 9h10 dans notre boîte mail ? Nos habitudes incrimineront la nouvelle pratique que nous avons mise en place il y a quinze jours. Elles oublieront les quatorze jours d'efficacité au cours desquels nous avons fait progresser des dossiers essentiels.
Ne battons pas en retraite. Ne nous laissons pas culpabiliser outre mesure. Commençons par répartir de façon équitable la responsabilité de l'incident. Le demandeur aurait-il pu anticiper ? Ou est-il victime, comme nous, de nos habitudes collectives qui consistent à être disponibles à toute heure ? Aurait-il pu passer par un autre circuit, contacter d'autres personnes, nous joindre autrement ? Ou était-il persuadé que nous guettions l'arrivée de son mail pour le traiter sans attendre ? Sur la base de cette analyse plus juste de la situation, nous pouvons entamer les négociations.
Ajuster nos nouvelles pratiques peut prendre plusieurs formes. Nous pouvons par exemple réduire notre créneau de concentration et ouvrir notre boîte mail à 10h - c'est toujours une heure de tranquillité de gagnée. Nous pouvons également partager nos nouveaux rituels avec nos collègues et chercher avec eux un nouveau fonctionnement collectif efficace : anticipation, rotation d'astreinte, circuit d'urgence, etc. Nous pouvons négocier d'être présents à une réunion sur deux ou redéfinir avec nos collègues le rythme, la durée et les objectifs de nos réunions. Toute solution collective est évidemment plus efficace et surtout pérenne : contre les mauvaises habitudes, l'union fait la force.
Cinquième marche : ancrer les nouveaux rituels
Le plus dur est fait. Il nous reste à faire preuve de vigilance pour terminer notre parcours. Car nos vieilles habitudes pourraient bien se réinstaller sournoisement dans notre quotidien dès que nous aurons baissé la garde. Nos nouveaux rituels seront notre meilleure défense...lorsqu'ils seront effectivement devenus des rituels. Pour l'instant, ils ne sont que de nouvelles pratiques encore fragiles. Pour grandir et se fortifier, ils ont besoin de toute notre attention. Dans les premières semaines de leur vie, nous allons donc les nourrir en les appliquant de manière consciente. C'est-à-dire en pensant à eux dès le matin, et en savourant le soir ce qu'ils nous ont apporté. Et puis un jour, nous nous surprendrons à les pratiquer sans y avoir pensé. Nous aurons alors gagné la bataille contre nos mauvaises habitudes.
Pour plus d'astuces, retrouvez la boîte à outils de la gestion du temps