Le business plan est il vraiment mort ?

Michel SionManager Offre et Expertise Finance Cegos

Plusieurs articles parus au cours des derniers mois ont posé cette question : « Le business plan est-il mort ? ». Claude Ananou, professeur responsable du cours « Réussir son démarrage d’entreprise » dispensé à HEC Montréal, conteste, dans différents interviews, l’intérêt du plan d’affaires au stade de la réflexion initiale du projet de création d’entreprise.

Il ne remet toutefois pas en cause globalement l’intérêt du plan d’affaires.

Le business plan est il vraiment mort ?

Le plan d’affaires n’est pas adapté au stade de la réflexion sur l’idée initiale

Au stade de la réflexion initiale, la priorité de l’entrepreneur est de définir précisément le besoin qui n’est pas ou mal satisfait et de valider son intuition sur la façon d’y répondre, ses questions fondamentales portent sur le « Quoi » et pas encore sur le « Comment ». La personnalité du créateur, son parcours, ses intuitions priment à ce stade pour inspirer confiance. Il multiplie les contacts terrain pour confirmer ses intuitions. L’entreprise n’a pas encore d’organisation ni de plan d’actions structuré, le modèle de revenu n’est le plus souvent pas encore arrêté. Le créateur réunit des fonds auprès d’amis ou de la famille, il n’est pas encore question d’investisseurs ou de prêteurs. A ce moment, le business plan n’est donc pas encore de mise.

Toutefois, à partir du moment où l’idée se transforme en projet, que le créateur prévoit d’investir, de recruter, les investisseurs et prêteurs exigeront une certaine visibilité, ils n’apporteront pas de fonds sans justification du besoin de financement ni perspectives de retour sur investissement ou de capacité de remboursement. Ils voudront évaluer la crédibilité des prévisions de chiffre d’affaires, le caractère concret et convaincant des plans d’action opérationnels, voudront s’assurer que les risques ont été correctement appréhendés,…. La facilité d’accès aux données grâce à l’Internet et aux réseaux sociaux (business plan 2.0) ne modifie en rien la nature des informations devant figurer dans le plan d’affaires.

Le plan d’affaires n’est pas un outil figé

Certains comparent le plan d’affaires à la démarche de planification étatiste telle qu’elle était pratiquée, notamment par l’ex Union Soviétique. Les objectifs de la planification constituaient un but intangible qu’il fallait respecter coûte que coûte, quitte à fabriquer des produits dont personne ne voulait. Rien de plus éloigné de la réalité que cette vision caricaturale :

  • Certains groupes exigent des porteurs de projet qu’ils proposent systématiquement dans leur plan d’affaires une ou plusieurs alternatives pour mener à bien leur projet : rythme de réalisation des investissements, comparaisons des alternatives : faire ou faire faire, choix de production, logistiques, etc... Ces alternatives démontrent l’agilité du porteur d’affaires. Celui-ci présente les avantages et inconvénients des différentes alternatives et prend parti pour l’une d’entre elles. Il se prépare à argumenter ses choix lors de la présentation orale. Le business plan décrit également la façon dont l’entreprise prévoit de s’organiser dans différentes hypothèses de chiffre d’affaires : haute, moyenne et basse.
  • Les prévisions figurant dans le business plan ne vont évidemment pas se réaliser dans leur totalité ! Toutefois, il permet de définir une méthode d’élaboration des prévisions, une fois cette méthode établie et les sources d’information terrain définies, les données chiffrées seront beaucoup plus aisément actualisées.
  • L’élaboration des prévisions conduit à bâtir le modèle financier du projet, habituellement sur tableur. Ce modèle se prête à la simulation de différentes hypothèses (analyse de sensibilité, scénarios), à condition que les paramètres du projet soient suffisamment chaînés entre eux.
  • Le business plan n’est pas qu’un outil de sélection de projets mais également de pilotage. Il ne définit pas uniquement les plans d’actions opérationnels en phase de lancement mais aussi tout au long de la durée de vie du projet :
    • Si tel niveau d’activité est atteint à N+3, une nouvelle tranche d’investissement est réalisée;
    • Si tel niveau n’est pas atteint, l’arrêt de l’exploitation est envisagée.

Le plan d'affaires est revu à intervalles réguliers, les réalisations remplacent les prévisions, les prévisions sont réactualisées ce qui permet d'envisager les plans d'action à venir.

En définitive, l'étude d'alternatives pour mener à bien le projet, l'analyse de sensibilité, la définition de différents scénarios rentrent dans le cadre d'une démarche "agile" permettant à l'entrepreneur d'apprivoiser l'incertitude : il réfléchit à l'avance à la façon dont il s'adaptera aux différents états du marché.

Une grande diversité de plans d’affaires

Non, le business plan n'est pas mort, les entreprises font de plus en plus dépendre leurs décisions importantes des conclusions d’un plan d’affaires. Le schéma ci-dessous illustre les différents types de plans d’affaires.

Le plan stratégique à moyen terme (MT)

Le comité de direction de l’entreprise se réunit pour actualiser sa vision du marché : quelles sont les grandes tendances observables sur le marché à l’horizon 3-5 ans ? Elle revoit le positionnement de l’entreprise à venir et en déduit ses principaux objectifs stratégiques et opérationnels sur cette durée. Ceux-ci sont ensuite diffusés avec plus ou moins de détail dans l’ensemble de l’entreprise. Le plan stratégique à MT est le plus souvent moins détaillé qu’un business plan quant aux plans d’action opérationnels, au chiffrage du chiffre d’affaires, il vise avant tout à définir de grandes orientations assorties de principaux chiffres.

Le business plan projet

Les différents porteurs de projet formalisent ce dernier pour le soumettre à l’approbation du comité de sélection d’investissement, des projets marchands ou non marchands dans le cadre d'un budget d'investissement limité. Il s’agit généralement de convaincre sur les 3 grandes questions suivantes :

  • Le projet est-il cohérent avec la stratégie de l’entreprise, contribue-t-il à l’atteinte des grands objectifs stratégiques communiqués par la direction (alignement stratégique) ?
  • Les plans d’actions sont-ils bien définis, cadencés dans le temps et cohérents ?
  • Le projet est-il à priori économiquement rentable compte tenu d’hypothèses d’investissements, de charges et de revenus crédibles ? Dans le business plan projet, le mode de financement n’est le plus souvent pas évoqué, sauf montant extrêmement élevé, seule compte la rentabilité économique.

Il s’agit indubitablement du cas le plus fréquent d’élaboration de plans d’affaires. De plus en plus, la procédure de sélection est suivie d’une procédure de suivi du business plan qui fait de ce document un véritable outil de pilotage du projet. Le business plan décrit à l’avance les principaux plans d’action opérationnels définis en fonction des hypothèses de développement.

Le business plan financier

Il porte sur la totalité de l’entreprise et a pour objectifs la mise en œuvre du financement et/ ou la valorisation de l’entreprise. Le document central de la partie financière du business plan est le plan de financement à MLT. Il retrace les besoins de financement année par année et sert au directeur financier à mettre en œuvre les financements, à évaluer la capacité de remboursement et à payer des dividendes. Le plan de financement est suivi du bilan et de ratios pour évaluer le respect des équilibres financiers et la rentabilité investisseur.

Tout rapport d’évaluation comporte une valorisation à partir des flux de trésorerie futurs de l’entreprise (DCF pour discounted cash flows). Pour valoriser l’entreprise selon cette méthode, sont pris en compte les flux de trésorerie d’investissement (FTI) et d’exploitation (FTE). Il s’agit de la seule méthode applicable pour une entreprise au stade de la création ou ayant de fortes perspectives de développement pour laquelle les méthodes patrimoniales ou des comparables ne sont pas utilisables. L’évaluation par les flux futurs est indissociable du business plan car celui-ci décrit les hypothèses d’investissement, de charges, de revenus permettant de les valoriser.

Le business plan « affaires »

Il porte sur un contrat commercial qui génère des flux de trésorerie pluriannuels dans lequel le fournisseur s’engage tout d’abord à investir pour le compte de son client. Ainsi, un équipementier automobile à qui son client demande de développer une nouvelle pièce commence par engager des coûts de développement, fabriquer un prototype, investir dans une chaîne de production,….

Le fournisseur intègre dans son modèle financier les hypothèses d’investissements, de charges d’exploitation, d’unités vendues. Avant la négociation, il évalue le prix de vente souhaité à partir de son objectif de taux de rentabilité interne (TRI de l’affaire), il peut utiliser pour cela l'outil sur tableur "valeur cible"

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Ecrit par

Michel Sion

Spécialisé dans la finance d'entreprise, Michel Sion est responsable des offres de formation Trésorerie, Finance, Gestion et Comptabilité pour non spécialistes et Risque client.
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