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Formateur scénariste, apprenant producteur

Mathilde BourdatManager Offre et Expertise Formation Cegos

Scénariser. Le verbe est apparu de façon récurrente lors des passionnantes  rencontres du  FFFOD (association professionnelle pour la promotion de la formation ouverte et à distance), en novembre dernier. Scénariser pour faire entrer le participant dans une expérience, jouer sur la surprise, la curiosité, intégrer les ressorts du jeu …

Est-ce parce que, dans le même temps, j’ai suivi le MOOC des Gobelins « Réaliser des vidéos pros avec son smartphone », dont les participants ne tarissent pas d’éloge ? Je me dis qu’un bon scénario, c’est une bonne histoire, avec des personnages porteurs de désir, confrontés à des obstacles, poussés à l’action. Mais qui sont les héros de nos scénarios pédagogiques ? Les désirs que nous leur prêtons sont-ils les leurs ? Et quels rôles leur allouons-nous ?

Itinéraire, déroulé, scénario… Tout nouveau formateur apprend à formuler des objectifs pédagogiques, et à synthétiser dans un document l’enchaînement des activités d’apprentissage. Les modèles de scénario, issus de la théorie socio-constructiviste, font la part belle aux activités de l’apprenant, à leur variété.
L’idée est de structurer les activités, tout en les régulant. Le scénario ordonne les séquences de manière à traiter les objectifs dans une progression qui paraît appropriée : du familier à l’inconnu, du simple au complexe, du global au particulier, par ordre chronologique…

Voici donc notre « formateur metteur en scène » se « faisant le film » de l’animation à venir. Film dans lequel il tient encore le premier rôle : pour « faire adhérer » les apprenants aux objectifs, pour générer une dynamique de groupe qui embarquera chacun dans les activités proposées…

Cette démarche a le mérite de s’appuyer sur les activités de l’apprenant comme vecteurs d’apprentissage. Mais lorsque la formation devient distancielle, ou même mixte, le formateur n’est plus « au centre de la scène ».  Le scénario prend alors encore plus d’importance, et ce n’est pas un hasard si ce mot revenait si souvent dans les échanges des journées du FFFOD.
Et nous voici obligés d’élargir le champ, pour prendre en compte non seulement la maille fine des activités élémentaires, mais aussi les relations entre des activités se situant dans des temps et des lieux différents. Voir sur Thot Cursus un résumé en 5 étapes, par Elodie Lestonat, de la scénarisation pédagogique. Et, toujours sur Thot Cursus, une excellente présentation de la démarche de scénarisation intégrant les TIC, par Om El Khir Missaoui.

En ces temps où les frontières de l’information et de la formation deviennent incertaines, il est précieux de conserver des repères. Comme par exemple la définition de la formation par Brown et Atkins (1988), rappelée par Marcel Lebrun dans sa conférence  « Le modèle IMAIP ; Coopérer et s’entraider par le numérique » (2015) : « La formation peut être regardée comme la mise à disposition du futur formé d’occasions où il puisse apprendre. C’est un processus interactif et une activité intentionnelle ».

Les apprenants, acteurs-producteurs

Le modèle IMAIP de M. Lebrun,  "Informations – Motivation – Activités – Interactions - Productions" (slides 21-31, voir aussi cet excellent résumé sur le Blogg Natsav)  attire l’attention du concepteur-scénariste sur un point fondamental : la production attendue des apprenants. Le dispositif pédagogique est « un ensemble cohérent constitué de ressources, de stratégies, de méthodes et d’acteurs interagissant dans un contexte donné pour atteindre un but » (M. Lebrun, slide 27) : nous revoici dans la définition même d’un scénario !

La production réalisée par les apprenants est à la fois un but à atteindre et la démonstration de la maîtrise des objectifs visés.

L’exemple du  MOOC des Gobelins

Dans le billet « Qu’est ce qui plaît dans les MOOC », j’avais souligné le fort engagement des apprenants, et l’avais attribué largement aux libres choix de l’apprenant : choix du MOOC lui-même, du niveau de participation et du degré de certification visé …
Le MOOC de l’Ecole des  Gobelins, « Réaliser des vidéos pro avec son smartphone » met en avant une  dimension essentielle, qui rejoint le modèle de M Lebrun : la production. Il s’est déroulé sur 4 semaines. Les contenus étaient apportés par des vidéos – très bien tournées, nous avons affaire à des professionnels. Mais aussi par des recherches à faire soi-même et à partager. Les  quiz venant valider l’appropriation des contenus, les forums et  les hang-out apportant de l’interactivité  - le tout dernier donnant la possibilité aux participants de venir y assister physiquement, à l’Ecole.

A chaque semaine était associée une vidéo à produire par chaque participant avant une échéance déterminée. Les consignes étaient soigneusement élaborées, pour amener le participant à mobiliser l’ensemble des acquis de la semaine. Les formats à produire étaient courts (moins d’1 mn). Et pourtant, chacun trouvait place pour l’expression de ses propres centres d’intérêts et de sa sensibilité.
Quel engagement des participants ! Quelles déceptions lorsque le couperet tombait avant que le montage ne soit pleinement finalisé ! Et quels progrès entre les premières vidéos postées et les dernières !

La page Facebook du MOOC a joué un rôle salutaire, permettant de valoriser les productions de chacun, de se consoler d’une évaluation par les pairs jugés trop sévère. La vidéo finale est vécue comme le « chef d’œuvre » des compagnons.

La progression pédagogique du MOOC était très cohérente, les contenus précis et adaptés. Mais ce qui a rendu ce scénario vraiment « apprenant » ce sont bien les productions demandées aux participants. Les ressorts activés n’étaient pas seulement « d’apprendre pour soi » mais aussi de présenter avec fierté sa production aux autres membres du groupe, à son entourage. C’est tout le groupe qui s’est fait soutien d’apprentissage pour chacun. Le maillage Informations – Motivation - Activités – Interactions- Productions a pleinement fonctionné dans un dispositif 100% à distance.

Et a vraiment créé du lien, les participants s’organisant, en fin de MOOC, pour aller boire un verre ensemble !

Pour nous autres concepteurs de formations présentielles ou mixtes, il me semble qu’il y a là un enseignement précieux à tirer. Penser pédagogie active, c’est bien. Mais penser « production de l’apprenant », penser aux livrables qui feront sens et enjeu, c’est un levier beaucoup plus puissant.

Ecrit par

Mathilde Bourdat

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