Les outils du marketing stratégique pour la fonction formation
Dans un billet précédent, j’évoquais la nécessité, pour la fonction « Formation et développement des compétences », de s’approprier les démarches et outils du marketing.
Le blog marketing-strategie.fr nous fournit de précieuses ressources en la matière.
Dans le billet « Les 3 étapes du marketing stratégique en B2B », Nathalie Van Laethem distingue :
- L’étape d’analyse des environnements externes et internes : analyse et diagnostic
- L’étape de la définition de la stratégie et des objectifs.
- Le choix des moyens opérationnels, ou « mix marketing »
Dans ce premier billet consacré aux outils du marketing pour la fonction formation, nous nous intéresserons à la première , en sélectionnant les outils qui paraissent le mieux adaptés à la fonction formation.
Pour les utiliser, il faut quitter la posture traditionnelle du « service-qui-répond-aux-besoins-de-formation ». Considérer que la Fonction formation est une entité qui agit sur un marché, celui de la formation des salariés de l'entreprise. Qu’elle a donc des clients : managers, bénéficiaires finaux des formations. Et que d’une certaine manière cette activité est concurrentielle : les clients internes ont le choix de recruter plutôt que de former, de développer eux-mêmes leurs solutions formatives sans passer par le service formation, de ne pas s’inscrire, de ne pas venir, ou même de venir en n’étant pas vraiment présents … S’agissant d’un service, il est co-construit, et donc l’engagement actif de chacun des clients est requis pour que le résultat visé soit atteint.
Certains outils proposés pour l’analyse et le diagnostic peuvent être aisément transposés pour le « marché » de la fonction formation.
L'outil PESTEL
PESTEL « permet de recenser l’ensemble des principales influences auxquelles peut être confronté le marché sur lequel nous agissons ». A l'échelle de la fonction Formation et Développement des compétences, l'analyse PESTEL porterait sur les tendances et faits externes à la fonction. Le questionnement proposé pourrait se décliner ainsi:
Politique : les orientations « business » de l’entreprise, ses grands choix stratégiques.
Economique : la situation économique de l’entreprise. L’évolution prévisible des budgets dédiés à la formation.
Socio-démographique : la culture de l’entreprise favorise-t’ elle et valorise-t ’elle le fait d’apprendre ? Quelles sont les habitudes en la matière, selon les différentes « populations » ? Quelles modalités traditionnellement retenues pour le partage des savoirs et savoir faire et l’apprentissage de nouvelles techniques ?
Les données démographiques : pyramide des âges, perspectives de recrutement, emplois critiques …Technologique : les évolutions technologiques prévisibles à court – moyen terme, leurs impacts sur l’organisation du travail, sur les besoins en compétences…
Environnemental : l’entreprise dans son environnement, au sens large. Par exemple, ses interactions avec les acteurs institutionnels (DIRRECTE …) et les autres entreprises du bassin d’emploi. Ses relations avec ses fournisseurs, ses partenaires, ses clients, et leur impact en terme de besoins en compétences.
Légal : l’environnement légal de l’activité « Formation » et ses évolutions prévisibles. Leur impact en terme de financements OPCA.
Comme l’indique N. Van Laethem dans un billet dédié à cet outil, le modèle PESTEL permet de lister « l’ensemble des données ayant un impact sur notre marché (…) et de les prioriser. Pour cela, un tableau permet de classer chaque donnée en Opportunités ou en Menaces.
L’écoute client
Une récente étude du CEREQ, « La formation en entreprise face aux aspirations des salariés », montre l’impact des pratiques de l’entreprise sur les demandes de formation exprimées par les salariés. « Alors que les salariés occupant les emplois les moins qualifiés expriment, aussi souvent que les autres, le souhait de se former, ils formulent nettement moins de demandes de formation ». Si l’entreprise considère qu’il est impératif pour chacun de se mettre dans une posture « d’apprentissage continu » et d’être « acteur de sa formation », alors il appartient à la fonction Formation de se mettre véritablement à l’écoute de tous ses clients internes- et donc de leur donner la parole .
A propos d’écoute client, on peut se référer à la définition et aux outils proposés par le site « Définitions marketing » … et se rendre compte qu’il serait intéressant pour la fonction RH dans son ensemble de travailler en partenariat avec le service marketing, pour bénéficier de la « longueur d’avance » dont parle Myriam Keita Brunet …
A défaut, une analyse systématique des évaluations de satisfaction et de transfert, mais aussi la mise en place de questionnaires plus fins que le traditionnel « recueil de besoins » seront une première étape. Dans le billet « Ecouter la voix de l’apprenant », je proposais une enquête à mener auprès des utilisateurs finaux des formations. Il serait nécessaire de faire de même avec les autres clients, managers et direction.
L’écoute clients doit fournir la matière à un regard critique sur l’offre existante, sur sa valeur perçue et sa contribution réelle aux projets de différentes nature (individuels, collectifs) qu’elle veut satisfaire.
La matrice SWOT
Le SWOT (ou FFOM) – pour strengths (forces), weaknesses (faiblesses), opportunities (opportunités), threats (menaces).
Pour N. Van Laethem, l’analyse de l’environnement externe et de l’environnement interne débouche sur le diagnostic SWOT. « Il résulte d’une analyse des environnements externe et interne à l’entreprise ou à la gamme de services. Ainsi, SWOT permet de croiser en un même tableau des données de sources et d’horizons différents qui auront un impact sur le futur ». SWOT permet de réaliser un diagnostic avec peu de données quantifiées, recueillies via le réseau (retours des clients internes, prestataires, association professionnelle… « SWOT permet de comprendre plus précisément les clés de succès ou les freins (Opportunités et Menaces) sur le marché. Et SWOT met en regard les enjeux à relever pour l’entreprise (Forces et Faiblesses) ».
Voici un exemple de diagnostic imaginé au croisement de multiples échanges avec des responsables formation en poste. Les forces et faiblesses sont celles de la fonction formation, les opportunités et menaces sont celles de son environnement externe, comme les décisions de l'entreprise, l’évolution de la réglementation...
La gestion du « portefeuille de produits »
Une partie importante de l’offre de formation d’une entreprise est récurrente d’une année sur l’autre. L’expression de « produits », s’agissant d’offre de formation, peut choquer. Il s’agit bien de solutions, dont la réalisation concrète est co-construite avec les parties prenantes. Mais l’expression « produits » peut être préférée à celle de « stages », tant les solutions formatives prennent aujourd’hui des formes variées, parfois éloignées du modèle traditionnel du « stage ».
Une matrice simple peut permettre de focaliser les efforts d’analyse, puis d’améliorations :
En ordonnée, la correspondance des objectifs visés par la solution à des enjeux stratégiques pour l’entreprise.
En abscisse, la tendance de la demande.
Ce sont les produits « cœur de cible » qui focaliseront l’attention, lors de l’analyse puis de la reformulation de la proposition de valeur. Par exemple, si la stratégie de l’entreprise intègre la montée en compétences de tous les salariés sur le digital, les formations sur ce thème seront « cœur de cible ».
L’analyse d’écarts (gap analysis)
Il s’agit de comparer la situation actuelle et la situation désirée, et de repérer les facteurs explicatifs et les leviers d’action pour réduire l’écart.
Situation actuelle | Situation désirée | Comment y aller ? | |
Facteurs explicatifs de l’écart | Leviers d’action | ||
Les formations arrivent tardivement au regard des besoins ressentis sur le terrain | Les salariés doivent disposer en temps réel d’une palette de solutions adaptées | Le processus d’élaboration du plan est déconnecté des cycles de l’entreprise. Les solutions proposées sont longues à mettre en place (stages, e-learning) | Faciliter la mise en place de solutions accessibles en temps réel en mode « pull » Proposer aux métiers des outils et « templates » (modèles) pour réaliser rapidement des tutoriels efficaces. Impulser l’utilisation de l’intranet et du réseau social d’entreprise à des fins de partage des savoirs et d’apprentissages |
C’est ce diagnostic qui nourrira la nouvelle proposition de valeur de la fonction Formation et développement des compétences.