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Réforme de la formation professionnelle : quelques espoirs

Mathilde BourdatManager Offre et Expertise Formation Cegos

Suppression du 0,9%, négociation du plan, orientation volontariste des fonds mutualisés vers les "publics les plus fragiles", compte personnel de formation... tels sont les  thèmes récurrents de la réforme en préparation.

Le système actuel de la formation professionnelle en France est trop souvent caricaturé. Il est outré et injuste de penser que les fameux "32 milliards" sont "gaspillés", et, comme le font remarquer plusieurs acteurs, le réaménagement de la "tuyauterie financière" ne résoudra pas tout. Le système sera forcément complexe, parce que les enjeux et les acteurs sont multiples. Mais, en cette période d'attente, je me prends à espérer une réforme porteuse de sens, d'initiatives, et de créativité.

Dans les dispositions de la loi du 14 juin 2013, dans les déclarations de Michel Sapin ou des négociateurs, je trouve matière à ces espoirs, que je peux regrouper ainsi :

  • Donner du sens aux obligations de l'employeur
  • Donner à chacun le moyen d'agir sur son parcours professionnel
  • Diversifier les moyens d'apprendre et ouvrir la porte à l'innovation pédagogique

Donner du sens aux obligations de l'employeur

La nature fiscale de la contribution formation a fait de la formation une obligation de dépense. La formation n'est pas pleinement considérée par les employeurs comme un investissement immatériel. Par ailleurs, la consultation obligatoire sur le plan est "formatée" par l'obligation de justifier la dépense (voir à ce sujet un billet précédent). Elle est donc souvent purement formelle.

La loi du 14 juin 2013, cependant, apporte un premier changement de taille pour les entreprises de plus de 300 salariés. Elle  introduit en effet de nouvelles obligations en matière de négociation sur la GPEC (Gestion Prévisionnelle de l'Emploi et des Compétences) et de consultation du Comité d'Entreprise sur la formation.

Il existait déjà une obligation triennale de négociation sur la GPEC, dans les entreprises de plus de 300 salariés. Jusqu’à la loi de sécurisation de l’emploi de juin 2013, la négociation devait porter sur la mise en place d’un dispositif de GPEC, et sur les mesures d’accompagnement associées :

  • Formation
  • VAE
  • Bilan de Compétences
  • Accompagnement de la mobilité géographique et professionnelle des salariés

Désormais, en plus, la négociation porte sur les grandes orientations à trois ans de la formation professionnelle en entreprise et les objectifs du plan de formation. Sont concernés, en particulier, les catégories de salariés et d’emplois auxquels ce dernier est consacré en priorité et les compétences et qualifications à acquérir pour les 3 années de validité de l’accord GPEC (L 2242-15 CT).

De ce fait la loi modifie les articles L 2323-33 et L2323-35 du CT :

  • Consultation annuelle du CE sur les orientations (L 2323-33) : les orientations sont établies en cohérence avec le contenu de l’accord issu, le cas échéant, de la négociation sur la GPEC.
  • Consultation du CE sur le projet de plan de formation (L2323-35) : elle  tient compte également des grandes orientations à trois ans de l’accord GPEC.

Plus récemment (Dépêche AEF du 11/09/2013), Michel Sapin déclarait que la question de la possibilité pour les salariés de négocier le plan de formation "pour certaines entreprises" était "ouverte" et que "la balle est dans le camp des partenaires sociaux".

Négocier sur ce qui compte vraiment

Ce que j'espère, c'est que ces dispositions permettent d'instaurer enfin un dialogue sur ce qui compte vraiment. Ce ne sont pas tant les nombre d'heures passées en formation ou les coûts engagés qui reflètent la pertinence et la qualité de la politique formation de l'entreprise, que les  solutions qu'elle imagine pour  (L6321-1 CT):

  • Adapter les salariés aux exigences de leur poste de travail : quelle articulation de l'offre de formation aux référentiels métiers ? Quelles solutions mises à disposition pour apprendre "au plus près" des problèmes rencontrés en situation réelle ?
  • Veiller au maintien de leur capacité à occuper un emploi, au regard, notamment, de l'évolution des emplois, des technologies et des organisations : quelle articulation entre  les orientations de la formation professionnelle et les anticipations sur l'évolution des métiers et de l'emploi ? Entre les solutions mises à disposition pour apprendre et le développement ou le maintien de "l'employabilité" ?

Mon espoir, c'est que cette obligation de négocier amène enfin de vraies orientations formation, fonctionnant comme des clés d'arbitrage de l'allocation des moyens - au lieu des vagues orientations thématiques, "boîtes de rangement" d'actions décidées par ailleurs - que l'on voit trop souvent aujourd'hui.

Considérer la formation comme un investissement et non comme une dépense

Ce qui est un peu inquiétant, c'est cette perpétuelle confusion entre "le plan" - expression concrète de la politique formation de l'entreprise - et son financement. Cette confusion est bien sûr l'héritage de l'obligation fiscale et du "0,9%".

Ainsi, le 19/09, Michel Sapin estime que "pour favoriser l'accès à la formation des salariés qui sont généralement les plus exposés au risque de chômage", la révision du plan de formation pourrait permettre de "mieux cibler les fonds de la formation professionnelle vers ces publics fragiles au sein de l'entreprise" (Dépêche AEF du 20/09/2013).

Il me semble que ce qui est dit là, c'est que les formations au plan pour les salariés qui ne sont pas identifiés comme "fragiles" (je me demande quels seront les critères ?) se feraient désormais sur fonds propres. Elles ne bénéficieraient plus de refinancement sur fonds mutualisés.

On aurait donc :

  • Le maintien d'une contribution mutualisée des employeurs, qui n'aurait peut être plus une nature fiscale, et qui contribuerait à financer la formation des demandeurs d'emploi, des jeunes sortis sans qualification du système scolaire, et des salariés "fragiles".
  • Le financement sur fonds propres des autres formations inscrites au plan de formation.

C'est peut-être, en effet, le vecteur d'une plus grande maturité de la politique formation, d'une meilleure réflexion sur le lien entre les moyens alloués et le "retour sur les attentes" - de l'entreprise comme des salariés - que l'on peut en attendre.

Donner à chacun le moyen d'agir sur son parcours professionnel

Si l'on en croit les déclarations de Michel Sapin, c'est bien un objectif de la réforme : "Le compte personnel de formation devra avoir un financement dédié et donner accès à une qualification", "favoriser l'initiative" des salariés". Il faudrait "renforcer l'accompagnement des salariés dans la construction de leur parcours professionnel, à travers le conseil en évolution professionnelle instauré par la loi sur la sécurisation de l'emploi" (propos de Michel Sapin repris dans la dépêche AEF pré-citée).

De mon point de vue, l'un des enseignements de l'échec du DIF, c'est que l'initiative du salarié ne peut pas vraiment fonctionner dans le cadre de son lien de subordination avec l'employeur. Ce qui justifiait le droit de refus "ad libitum" de l'employeur, c'était qu'en cas d'acceptation... il finançait l'intégralité du projet de formation de son collaborateur. Pas très surprenant, donc, que l'initiative du salarié ait été bien souvent ramenée... aux exigences des emplois de l'entreprise.

Donc, pour fonctionner comme un levier d'initiative, il faut effectivement un financement dédié, qui permette de situer la prise de décision en dehors de l'entreprise. D'où les dispositions de l'ANI de janvier dernier, qui prévoit que le salarié pourra mobiliser son CPF dans le cadre du CIF.

Ne rêvons pas trop. La question, c'est : "qui paye"  et "pour quoi paye t'il" ? Lorsque le CPF sera mobilisé dans le cadre de l'entreprise, l'employeur paiera - ce qui supposera toujours son acceptation de la demande. Lorsqu'il sera mobilisé en dehors, le financement reposera sur les priorités du financeur - tant une qualification sur un métier "en tension" sur le bassin d'emploi, par exemple.

Et c'est pourquoi la mission d'étude confiée par M. Sapin à l'IGAS  envisage l'abondement du CPF "par l'ensemble des acteurs de la formation professionnelle, y compris la personne"  (AEF n°188200, 1/10/13).

Nous voici donc à l'aube d'une véritable "responsabilisation" de l'individu sur son parcours de formation - l'idée sous-jascente étant que plus l'individu est qualifié, moins il est "fragile" au regard du marché du travail, plus il pourrait être amené à financer lui-même son projet.

Pourquoi pas, et l'on pourrait même imaginer que ce financement soit facilité, avec un crédit d'impôt comme en Allemagne par exemple. Mais il est juste de souligner que cette responsabilisation va de pair avec une excellente information, tant sur les formations et qualifications disponibles que sur leur correspondance avec des opportunités d'emploi. Et de ce côté il me semble qu'il y a encore beaucoup de chemin à parcourir pour que le fameux "droit à l'orientation" que nous avons tous de puis la loi de 2009 ( L 6111-3 CT) devienne une réalité...

Diversifier les moyens d'apprendre et ouvrir la porte à l'innovation pédagogique

Le risque, pointé par certains lecteurs en réaction à un  billet précédent, de voir l'effort formation de certaines entreprises (celles qui limitent aujourd'hui strictement leurs dépenses formation à 1,6%), diminuer en cas de suppression du 0,9%, n'est pas à exclure.

Mais j'espère vraiment que cette disparition nous permettrait de nous affranchir de l'imputabilité, et ainsi de rencontrer chacun dans la façon dont il souhaite apprendre : en formation formelle, présentielle à distance ou mixte, certes, mais aussi entre pairs, avec un tuteur, via un MOOC collaboratif , en regardant des vidéos... Nous pourrions ainsi passer du statut de pays "mono formateur" à celui de pays "pluri formateur" (voir le Bref Céreq n°312 de juillet 2013).

Ce qui compte, c'est que chacun puisse apprendre, pour son travail, pour son propre développement, tout au long de sa vie. Et le véritable enjeu, c'est de développer des ingénieries qui prennent chacun "là où il est" et lui donnent l'envie et les moyens d'apprendre.

Quel avenir pour la fonction formation

En juillet dernier, j'ai lancé sur ce blog le sondage "Responsables formation, où passe votre temps" ? Le résultat (sur 41 réponses) est éloquent : 73% des répondants consacrent moins de 20% de leur temps aux activités du domaine Politique formation/ élaboration du plan/ conception et validation des actions de formation/ animation des réseaux internes de formateurs et de tuteurs.

Mon plus grand espoir, chers lecteurs  responsables formation, est que la réforme de la formation professionnelle vous libère du temps pour ces activités cruciales...

Ecrit par

Mathilde Bourdat

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