[Spécial élection] Leaders, inspirez confiance !
Emmanuel Macron évoque le philosophe Emmanuel Lévinas selon qui « la confiance est le problème de l’autre ». Au moment où les électeurs s’apprêtent à choisir leur prochain président, cette assertion nous invite à revisiter les fondements de la confiance et, par là-même, son rapport avec le leadership. Réexaminons ces deux notions fondamentales et comment se tissent, entre elles, leurs liens de réciprocité.
A la fin de ce billet, je vous invite à faire votre autoévaluation de leader.
Qu’est-ce que la confiance ?
« La confiance est le problème de l’autre » signifie « je donne ma confiance à l’autre, à lui de la prendre ou pas ».
Il s’agit d’un double engagement dans lequel le second accepte (ou pas) la confiance accordée et s’en remet alors au premier. Le premier assumera en retour sa responsabilité qui l’engage vis à vis du second.
Mais comment savoir si l’autre est digne de confiance et fiable ?
- Fiable, de « fides », la foi que l’on retrouve dans « confidence » mais aussi fidélité, soit l’exactitude à tenir une promesse. Ainsi, à la question « qu’est-ce qui détruit la confiance ? », 90% de personnes interrogées répondent-elles en premier : « mentir ».
Confiance et loyauté sont synonymes. La confiance est ainsi perçue comme un investissement, un acte intéressé et calculé qui repose sur la parole donnée et sur la vérité. - L’autre origine de la confiance provient de l’expérience primaire fondamentale de tout être humain. Avec la peur, il s’agit sans doute du premier sentiment éprouvé dès la naissance. Cette origine a pour fondement l’amour lié à l’attachement, au sens éthologique du terme, c’est-à-dire au besoin vital de contacts dès les premiers instants de la vie. On retrouve ce sens dans la racine du mot allemand « trost »,« le confort », qui conduit à « trust » en anglais. En d’autres termes faire confiance c’est confier sa vie à l’autre. D’une certaine manière c’est ce que les électeurs feront dans les prochaines semaines avec l’élection du futur Président de la République.
A qui faire confiance ?
Dans la nature, celui qui parvient à faire bouger l’autre dans une certaine direction, prend l’ascendant et devient dominant. Au sein d’une même espèce, le dominant est reconnu par les dominés comme étant le leader, le chef de la horde, et ils acceptent de lui confier leur vie.
Chez les prédateurs, comme les loups par exemple, ce lien dominant-dominé s’établit selon un rapport de force stressant pour tous les membres du groupe. Les dominés craignent le dominant qui se méfie des dominés qui veulent prendre sa place.
Chez les espèces proies, comme les chevaux par exemple, c’est différent, le leadership est moins un rapport de force qu’un rapport de « prépondérance et acceptation réciproque »[1] selon l’éthologue Guillaume Antoine. Tout membre peut être leader sur une fonction particulière utile au groupe, par exemple la sécurité, l’alimentation ou la cohésion et chacun accepte volontiers de suivre le leader spécifique. Chez les chevaux, c’est une vieille jument expérimentée qui assure la cohésion du groupe.
Chez l’être humain, le leader est celui qui parvient à mobiliser ses compagnons pour les réunir et les conduire vers un but commun. Dans les sociétés libres et démocratiques, « la confiance résulte de cette capacité du leader à entraîner les autres avec lui dans un projet commun par leur adhésion volontaire »[2].
Allons plus loin pour découvrir les leviers sous-jacents du leadership créateur de confiance.
Comment créer la confiance ?
Si les groupes, et les sociétés, ont besoin de leaders c’est parce qu’ils ont besoin d’une certaine cohésion et de vision à long terme. Les groupes et les sociétés sont prêts à confier leur destin à ceux qui sont capables d’assurer le projet du groupe en échange de quoi le groupe donnera sa confiance au leader pendant un certain temps.
Le leadership s’exerce par la mise en œuvre de quatre fonctions majeures utiles au collectif et qui sont les suivantes :
- mobiliser,
- fédérer,
- donner le cap,
- communiquer (fonction transversale aux trois autres).
1. Mobiliser
Mobiliser signifie « mettre en mouvement », faire bouger l’autre ou le groupe. C’est d’ailleurs ce qu’on entend lors des campagnes électorales : « au premier tour on mobilise son camp, au deuxième tour on rassemble ». Toutefois chaque candidat a déjà un premier enjeu de rassembler son propre camp dès le premier tour. Par exemple, « En marche » se présente comme un mouvement politique, non un parti, ce qui évoque doublement cette fonction de mobilisation. En entreprise les leaders s’emploient à ce que les collaborateurs se mobilisent, s’engagent et s’impliquent. En campagne électorale, plus il y a de candidats, plus il y a de chance de mobiliser les électeurs. Les débats télévisés y contribuent aussi et c’est exactement la première démarche à accomplir avant de pouvoir passer à la deuxième étape : fédérer.
2. Féderer
Fédérer c’est choisir avec qui s’associer puis comment s’organiser et être capable de coopérer pleinement ensemble. Sur ce point le chercheur Jim Collins[3] montre que les grands leaders commencent par constituer leur équipe. Ils s’entourent d’abord de gens avec lesquels ils veulent travailler et ensuite, ensemble, ils peuvent définir la vision et la stratégie. C’est peut-être ce que souhaitent faire les différents leaders qui se rassemblent avec Emmanuel Macron. Pour eux, le prochain challenge sera de créer, entre eux, l’envie de travailler ensemble et de se faire confiance. On rassemble les électeurs mais, en entreprise, on fédère les collaborateurs dans une organisation précise. Fédérer signifie aussi que chaque membre est rassemblé dans un groupe où il trouve sa place. C’est aussi un des enjeux de la campagne que de savoir quel candidat sera le plus à même de promettre à chaque citoyen de trouver la place qu’il espère avoir dans la société.
3. Donner le cap
Enfin quand le groupe est rassemblé, quand l’équipe est fédérée alors le leader peut la guider vers un but et l’ensemble fédéré peut se diriger dans la direction choisie. Donner le cap signifie définir un objectif, un but, un sens, avoir un projet en commun, avoir une vision ou une ambition. Dans notre société en pleine mutation, comme dans les entreprises, cette fonction requiert de l’imagination pour trouver de nouvelles idées, elle oblige à décider ensemble, et non plus seul. Il est alors possible de créer la vision commune, car on ne peut créer que ce que l’on a été capable d’imaginer ensemble. C’est ainsi que certaines entreprises élaborent leur vision et leurs valeurs lors de séminaires réunissant l’ensemble du personnel. Il est alors ensuite plus évident pour chacun d’adhérer et de s’engager dans le projet collectif. En démocratie, chaque candidat propose son projet à des électeurs libres de leur choix. Mais, pour adhérer au projet et voter pour son candidat, il faut avoir envie de le faire et de faire confiance au candidat. La prochaine question est de savoir comment le leader s’y prend pour donner envie et inspirer confiance.
4. Communiquer
Les trois premières fonctions, mobiliser, fédérer et donner le cap sont mises en œuvre grâce à la quatrième fonction, transversale, qui est celle de la communication. Cette fonction sert à inspirer confiance et à l’entretenir.
Communiquer ne signifie pas simplement bien s’exprimer. Il s’agit de communiquer au sens le plus large du terme, dans le sens qui intègre le comportement d’ensemble, la posture et l’attitude globale envers soi, les autres et le monde. Cette attitude globale, cette façon d’être, réunit les compétences à l’œuvre dans l’art d’attirer l’attention, de susciter le respect et d’inspirer confiance.
Mouvement et émotion ont la même racine étymologique qui atteste que l’action de mobiliser commence avec une relation sincère, vraie, authentique. Cette relation sincère initiée dès l’entrée en contact se développe ensuite par la volonté d’assumer son pouvoir et son autorité sur le groupe en suscitant le respect en ayant des relations de qualité. L’écoute, le dialogue et le parler vrai, placés au cœur de la relation, confirmeront la sensation de confiance. On retrouve ici la force de la vérité source de la confiance placée en l’autre.
En matière politique, Pierre Mendès France[4] a compris très tôt que gouverner, c’est avant tout communiquer pour expliquer et convaincre. Il l’a fait de manière très avant-gardiste comme en témoigne son interview au journal l’Express dans lequel il défend que « la vérité est au fondement de la démocratie »[5].
Dès lors mobiliser, fédérer et donner le cap sont possibles grâce au leadership positif et humain, porteur de confiance, d’espoir et d’excellence.
Pour aller plus loin
Découvrez le livre pour approfondir vos connaissances : Leaders, Inspirez confiance.
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- Formation : Les clés du leadership personnel
- Formation : Mieux se connaître pour affirmer son leadership
- Formation : Leadership personnel et performance collective
Et faites l’auto évaluation de vos compétences de leader :
[1] In Equitation : une affaire de comportement, Guillaume Antoine, Belin.
[2] In Leaders, inspirez confiance, Alain Duluc, DUNOD, parution avril 2017.
[3] In De la performance à l’excellence, Pearson
[4] Voir le texte d’Eric Giuily « Modernité et actualité de PMF : démocratie, confiance et communication »
[5] In "La France peut supporter la vérité", L’Express, premier numéro, du 16 mai 1953