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Le quotidien des agents de la fonction publique est émaillé de frictions. Les usagers, bousculés par les fractures sociétales, reportent de plus en plus souvent leurs frustrations sur les agents. Ces derniers se retrouvent contraints de gérer des situations explosives. Comment désamorcer la tension sans céder à la pression de l'usager ni compromettre les règles du service ?
Nous allons explorer les mécanismes de ces situations, avec des pistes concrètes pour les anticiper et les gérer.
« Les tensions rencontrées par les agents ne sont pas le fruit du hasard. Elles sont le symptôme des mutations qui traversent la société », explique Nathalie Royant, consultant chef de projet chez Cegos.
Plusieurs phénomènes influencent les échanges entre agents et usagers :
Leurs conséquences sur la qualité de vie au travail sont majeures. Même si les réactions varient d’une personne à l’autre, on observe une montée globale de l'anxiété. Un quart des agents se sent "souvent ou parfois" en insécurité au travail (Source : « Vécu et ressenti en matière de sécurité », SSMSI, 2023).
« L'agent n'a aucune prise sur le comportement de l’usager ou sur l’environnement. Sa seule marge de manœuvre, c’est agir sur lui-même. Confronté à des situations difficiles, il doit absolument apprendre à mobiliser les bons outils », affirme Nathalie Royant.
On associe souvent les relations tendues aux incivilités. En réalité, il existe une palette très large de situations.
Il est important d'apprendre à classer les situations selon leur degré d’intensité. La solution dépend de ce rapide diagnostic.
Voici quelques exemples, du plus faible au plus intense :
Les tensions s’amplifient souvent en plusieurs phases. Agir au début du processus permet d'obtenir de bons résultats et de désamorcer les situations d’escalade. Identifier la situation permet d’utiliser les bons outils à bon escient.
Voici un exemple de baromètre des situations de tension de la relation entre agents et usagers :
« Les tensions viennent souvent du fait qu’on ne partage pas la même vision du monde, explique Nathalie Royant. Nous portons simplement des regards différents sur une même réalité. Pour réduire le risque de voir apparaître des tensions, les agents doivent clarifier leur discours. »
Pour cela, il peut utiliser la méthode FOR :
F | Décrire principalement des Faits. Ils sont incontestables, et permettent de trouver un terrain d’entente. « Nos horaires d’ouverture au public sont 8h30-12h30 du lundi au vendredi. » |
O | Éviter de formuler des Opinions. Les deux interlocuteurs ne partagent pas forcément la même opinion. « Votre comportement n’est pas respectueux des autres usagers. » |
R | Utiliser les Ressentis. Ils humanisent l’échange, mais doivent être employés avec parcimonie. « Je suis embêté(e) car… » |
Lorsque les tensions apparaissent, les agents peuvent utiliser l’outil ERIC.
C’est un processus en quatre étapes qui apaise les échanges :
E | Ecouter l’usager attentivement. |
R | Puis Reformuler ce que l’on a compris de sa situation et sa demande. |
I | Interroger l’usager si nécessaire, pour obtenir des précisions. |
C | Confirmer la réponse pour conclure l’échange. |
Si des usagers insistent, les agents gagnent à pratiquer la technique du disque rayé qui consiste à répéter calmement sa position. Cela démontre que la règle ne changera pas, quelle que soit la pression exercée par les usagers.
Si la tension monte encore, la méthode DESC est efficace :
D | Décrire les faits. |
E | Exprimer son ressenti. |
S | Proposer une Solution gagnant-gagnant. |
C | Conclure sur les conséquences positives de cette solution. |
Exemple : Un usager insiste pour passer immédiatement, perturbant l'attente des autres.
« (D) Monsieur, vous êtes actuellement au guichet sans avoir pris de ticket. (E) Cela perturbe l’attente des autres usagers, et je suis mal à l'aise de ne pas pouvoir respecter l'ordre d'arrivée. (S) Je vous invite à prendre un ticket à la borne juste derrière vous. Dès que votre numéro sera appelé, je vous garantis une prise en charge immédiate et complète. (C) De cette manière, je vous consacrerai tout le temps nécessaire sans être interrompu. »
En complément l’agent peut se former à l’assertivité. C'est une compétence clé pour poser ses limites sans générer de conflit supplémentaire.
Aucune action préventive n’est efficace à 100 %. Il faut donc parer à toute éventualité.
Les agents doivent savoir comment se mettre en sécurité en cas d’agression ou de menaces. « Si vous ne les connaissez pas déjà, renseignez-vous dès maintenant sur les règles définies par votre organisation pour vous protéger », alerte Nathalie Royant.
« Vous devez également connaître les dispositifs d’aide pour les victimes. Après avoir vécu une agression, un agent a besoin de rompre l’isolement, d’en parler et de savoir rapidement s’il peut se faire accompagner et par qui. La plupart des organisations ont mis en place des cellules d’écoute par exemple. »
Les outils que nous venons de décrire ne sont qu'un point de départ pour un plan d'action. Leur efficacité est décuplée avec l'engagement et le soutien du collectif.
Un agent qui cède à la pression et accorde une faveur ouvre une brèche. L'usager perçoit cette dérogation comme une nouvelle norme. Cette dissonance compromet la crédibilité de l'institution et sa capacité à respecter ses propres règles.
Cela renforce la pression sur les autres agents : « La dernière fois, votre collègue m’a dit que j'y avais droit ! »
Les formations en groupe (intra) sont particulièrement efficaces sur ce sujet. Elles permettent de construire une culture commune de la communication et de la prévention. Lorsque les agents utilisent les mêmes outils, ils sont plus forts collectivement pour gérer les situations.
Ces formations sont l’occasion, pour chaque agent, de confronter son expérience aux outils proposés et à celle de ses pairs. Ils prennent conscience de ses pratiques contre-productives, et peuvent les corriger rapidement.
Enfin, les formations intra permettent de s'entraîner sur des scénarios tirés de situations vécues. Les exercices peuvent être réalisés directement sur le lieu de travail dans les conditions réelles d'accueil. Cette approche facilite la transposition immédiate des acquis.
Pour que les outils et les bonnes pratiques s'installent durablement, le relais doit être pris par le management de proximité. Les managers ont un rôle quadruple :
Les managers ont besoin de formations spécifiques. Leur contenu doit être plus approfondi que celui des agents.
Lire aussi :« Services publics : 4 clés pour développer une culture de la relation usagers »
La crise de la relation agents-usagers n'est pas une fatalité. C'est un défi qui peut être relevé pour partie en agissant sur les pratiques des agents et sur le collectif. Au lieu de subir, les agents reprennent le contrôle de l'échange, sachant qu'ils sont pleinement soutenu. Face aux tensions, la bonne méthode et le soutien du collectif sont des boucliers efficaces.
Opération impossible